Dernière mod­i­fi­ca­tion le 5 novem­bre 2022 par La Com­pag­nie Littéraire

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Jean-Luc Marc­hand, bon­jour. Vous avez pub­lié en 2020 à La Com­pag­nie Lit­téraire une fic­tion his­torique trou­vant sa source dans la Grèce antique : L’Ho­plite ou l’épopée des Dix-Mille. Pou­vez-vous nous rap­pel­er d’abord le véri­ta­ble con­texte de cette épopée et ses enjeux ?

Jean-Luc Marc­hand : En 401 avant notre ère, le jeune prince perse Cyrus rassem­bla une armée sous pré­texte de vouloir main­tenir l’ordre dans cer­taines des satrapies (les régions admin­is­tra­tives de la Perse) dont il était en charge. Son objec­tif secret était en fait de ren­vers­er son frère, le roi Artax­erxès II. Des sol­dats pers­es et plus de douze mille mer­ce­naires grecs se sont ain­si enrôlés dans cette expédi­tion. Quand ils ont décou­vert les véri­ta­bles inten­tions de Cyrus, les dis­cours et les promess­es de richess­es les amenèrent à accepter la con­fronta­tion, mal­gré un rap­port de force très défa­vor­able. La bataille a eu lieu près de Baby­lone. Les mer­ce­naires grecs subirent très peu de pertes, mais le jeune Cyrus perdit la vie. Alors, les mil­liers d’hoplites grecs et la foule innom­brable qui les accom­pa­g­nait pour assur­er l’intendance, se sont retrou­vés isolés au milieu d’un pays hos­tile. Ils ont dû trou­ver leur chemin de retour à tra­vers ces immenses ter­ri­toires ; ils ont été harcelés par les Pers­es et attaqués par des peu­ples bar­bares. Les rival­ités entre les généraux grecs ont frag­ilisé leur cohé­sion ; ils ont enduré le froid et la faim. Cette épopée du retour a été appelée la retraite des dix mille. Xénophon, philosophe athénien dis­ci­ple de Socrate, a joué un rôle majeur dans cette aven­ture dont il a fait un réc­it (l’Anabase). L’exploit avait mar­qué tous les esprits à l’époque ; il avait révélé au monde que le roy­aume des Pers­es n’était pas invi­o­lable. Alexan­dre le Grand s’en est sou­venu quelques décen­nies plus tard.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : D’après vos pub­li­ca­tions, vous sem­blez trou­ver dans l’An­tiq­ui­té une source d’in­spi­ra­tion cer­taine. Com­ment vous est venue l’idée de cet ouvrage et pourquoi avoir voulu par l’écri­t­ure ren­dre hom­mage à ces « Dix-Mille » ?

Jean-Luc Marc­hand : La péri­ode de l’Antiquité est intéres­sante à plusieurs titres. Les textes qui nous sont par­venus, les grands évène­ments, les per­son­nages impor­tants con­stituent bien sûr d’abord un socle de notre His­toire européenne. De plus, par déf­i­ni­tion, peu de choses nous sont con­nues avant ces pre­miers écrits, même si l’archéologie com­plète avan­tageuse­ment notre con­nais­sance quand les textes man­quent. Si depuis notam­ment Hérodote, les nar­ra­tions des péripéties humaines se sont mul­ti­pliées jusqu’à la surabon­dance actuelle, ces réc­its de l’antiquité pour­raient laiss­er croire, à tort bien sûr, que l’humanité est née à cette péri­ode. Les pre­miers textes sont ain­si devenus des références orig­inelles, cha­cun pou­vant y rechercher un miroir à sa con­tem­po­ranéité. C’est l’une des raisons, je crois, qui explique pourquoi cette péri­ode charnière a été aus­si con­sid­érable­ment étudiée, analysée et même idéal­isée, surtout à par­tir du XVe siècle.

De nom­breux réc­its de l’antiquité grecque sont, d’autre part, indis­so­cia­bles de la mytholo­gie qui a été pour moi ce que la sci­ence-fic­tion a été pour d’autres. En plus d’avoir nour­ri mon imag­i­naire, cette péri­ode offre l’intéressant con­traste de nous sem­bler à la fois très loin­taine dans le temps, mais aus­si très proche de nous par les sen­ti­ments des pro­tag­o­nistes, les épreuves qu’ils endurent ou les inter­ac­tions entre eux. Cer­tains réc­its oubliés du passé méri­tent d’être racon­tés à nou­veau. Beau­coup d’aventures humaines ont par­fois changé le monde … ou elles auraient pu le chang­er. Quand j’ai décou­vert l’histoire de la retraite des dix mille, j’ai d’abord été impres­sion­né par cette incroy­able tribu­la­tion. J’ai donc eu envie de la partager, de la faire (re)découvrir, avec le point de vue d’un sim­ple hoplite. J’ai voulu pro­pos­er au lecteur un voy­age dépaysant dans l’espace et dans le temps.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Revenons à votre héros, Sophénète. Sophénète est un enfant de Sparte, des­tiné à faire la guerre jusqu’à la mort. Mais, en 401 av. J.-C., date à laque­lle débute ce réc­it, les guer­res du Pélo­pon­nèse vien­nent de s’achev­er par une vic­toire totale de Sparte. Plus besoin d’aller com­bat­tre ; alors Sophénète se retrou­ve devant l’in­con­nu. Il déclare : « Nous venions d’avoir vingt ans et nous rêvions de décou­vrir le monde. Avec la fin de la guerre, nous avions été soudaine­ment livrés à cette grande incer­ti­tude de devoir nous choisir un avenir. Nous qui avions été pré­parés depuis tou­jours pour des batailles… On nous avait retiré notre rai­son d’être. » Quels com­men­taires vous inspirent ces pro­pos ? Pou­vez-vous nous rap­pel­er com­ment étaient élevés ces jeunes Spartiates ?

Jean-Luc Marc­hand : Les jeunes spar­ti­ates issus des familles de citoyens libres se dédi­aient entière­ment et exclu­sive­ment à la guerre. Leur seule rai­son d’être con­sis­tait à se bat­tre et mourir pour Lacédé­mone (Sparte), les autres con­tin­gences de la vie en cité étant attribuées aux esclaves (les hilotes notam­ment, un peu­ple voisin asservi par Sparte) ou aux autres hommes libres non citoyens, les périèques. La guerre du Pélo­pon­nèse, qui a duré de 431 à 404 avant notre ère, a opposé prin­ci­pale­ment Athènes à Sparte. La vic­toire totale des Spar­ti­ates a mis un terme aux com­bats. Sophénète, le jeune hoplite âgé de vingt ans qui n’avait con­nu que cette rival­ité avec Athènes, n’avait plus besoin de sac­ri­fi­er sa vie pour rejoin­dre la longue liste des héros morts au com­bat. Son sort ne con­sis­tait plus à mourir pour Sparte. Il lui fal­lait alors trou­ver un autre ter­rain pour exercer son méti­er et accom­plir son « des­tin ». Son sort n’était donc pas inéluctable. Il va com­pren­dre que cet avenir devenu incer­tain est en fait une oppor­tu­nité pour faire des choix dans une vie qui n’est pas écrite d’avance.

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Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Sophénète ne va pas pou­voir envis­ager son avenir sans faire la guerre pour con­quérir la gloire. Goût de l’aven­ture, ent­hou­si­asme de la jeunesse ou désir de retrou­ver son père, ancien hoplite dis­paru ? Vous qui l’avez façon­né avec votre imag­i­na­tion et vos recherch­es, quel est votre point de vue sur ce jeune homme ?

Jean-Luc Marc­hand : Sophénète a été éduqué par des maîtres qui ont façon­né son corps et son esprit afin qu’il soit prêt à servir Sparte jusqu’au sac­ri­fice ultime. Le som­met de la gloire du guer­ri­er spar­ti­ate con­sis­tait à mourir pour ses sem­blables. Mais Sophénète est par ailleurs curieux. Il a envie de décou­vrir le monde. Il cherche à appren­dre, à com­pren­dre. Il s’intéresse aux com­porte­ments des hommes, aux anciens roy­aumes dis­parus ; il cherche à con­naître les dieux vénérés ailleurs ou dans le passé. Il décou­vre que tant d’autres hommes avant ses con­tem­po­rains ont vécu des his­toires sim­i­laires ou dis­sem­blables. Il prend ain­si con­science, au fur et à mesure, que son édu­ca­tion était lim­itée, par­tielle et par­tiale. Il fini­ra par com­pren­dre aus­si que le temps étouffe tout, que les hommes oublient plus qu’ils n’apprennent. Finale­ment, il va se débar­rass­er d’une par­tie des cer­ti­tudes qui lui ont été inculquées dans son enfance, ces vérités qui ne lui appa­rais­sent plus aus­si probantes. Sa recherche sur la véri­ta­ble his­toire de son père sert de pré­texte, comme s’il ten­tait de se jus­ti­fi­er à lui-même sa rare curiosité et cette remise en cause sans doute peu courante par­mi les guer­ri­ers de Sparte.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Je reviens sur le con­texte his­torique. Sophénète s’en­rôle dans une expédi­tion de mer­ce­naires grecs qui s’or­gan­ise en Perse sous la con­duite du prince Cyrus, jeune frère du roi des Pers­es, Artax­erxès II. En réal­ité Cyrus veut ren­vers­er son frère, mais ne dévoile pas son plan au départ. Sophénète, comme d’autres, se trou­vera devant le fait accom­pli. Il est engagé dans un com­bat qui n’est pas celui qu’il croy­ait. On voit qu’il évolue dans sa vision du monde et de la poli­tique avec toutes ses per­fi­dies. Au soir de la bataille de Counaxa, où le prince Cyrus perd la vie, Sophénète évoque le fait qu’il ait tué un homme pour la pre­mière fois : « Je me demandais si seules les cir­con­stances per­me­t­taient de pré­ten­dre que tuer un autre homme était juste ou ne l’é­tait pas. » Com­ment va évoluer le per­son­nage de Sophénète à par­tir de ce moment-là ?

Jean-Luc Marc­hand : Sophénète com­prend pro­gres­sive­ment lors de son périple que le monde est bien plus com­plexe et beau­coup plus divers qu’il ne croy­ait, et il voit bien par ailleurs que les hommes se ressem­blent. Bien qu’il ait été spé­ci­fique­ment éduqué dans cette per­spec­tive, bien qu’il se soit entraîné pour cela, tuer un homme ne lui est donc pas si anodin. L’effroi de sa pre­mière vic­time face à la mort lui révèle qu’il tue un homme qui, sans doute à bien des égards, lui ressem­ble ; il n’est pas qu’un sim­ple enne­mi perse anonyme par­mi des mil­liers d’autres ; il n’est pas si dif­férent de lui. Et lui, il veut vivre. Il pressent alors que ces com­bats sont absur­des. La manip­u­la­tion de Cyrus pour par­venir à la con­fronta­tion avec son frère, le roi des Pers­es, n’est qu’une illus­tra­tion de cet asservisse­ment des hommes ordi­naires à des puis­sants ou à des caus­es qui ne sont pas les leurs, et qui con­duisent à la mort. Peu à peu, Sophénète prend con­science de ces manip­u­la­tions qui per­me­t­tent d’installer la dom­i­na­tion d’un chef, d’une idée ou même d’un dieu. Il va alors pressen­tir que la lib­erté con­siste à se débar­rass­er de toutes ces soumissions.

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Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Nous arrivons à la deux­ième par­tie de votre réc­it — La Catabase — par oppo­si­tion à la pre­mière par­tie nom­mée l’An­abase. Pou­vez-vous nous éclair­er sur le choix de ces termes ?

Jean-Luc Marc­hand : L’anabase est le nom que Xénophon a don­né au réc­it de la retraite des Dix-Mille. Cela sig­ni­fie « ascen­sion », « mon­tée vers le haut pays » (le plateau iranien en l’occurrence), mais aus­si élé­va­tion de l’esprit et de l’âme dans les cultes à mys­tère. Au fur et à mesure qu’il se rap­proche de Baby­lone, Sophénète évolue aus­si. Son esprit s’ouvre, il décou­vre de nou­velles choses, il élar­git son hori­zon. A con­trario, la catabase fait référence à la descente aux enfers des héros grecs dans la mytholo­gie. Les mer­ce­naires qui cherchent leur route de retour vont souf­frir physique­ment et morale­ment au cours de leur longue retraite. Par symétrie avec l’anabase, ce terme évoque aus­si les désil­lu­sions, la retombée des aspi­ra­tions, l’abandon des ambi­tions de gloire. Sophénète va ain­si se débar­rass­er d’une par­tie de ses croy­ances juvéniles.

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Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : C’est ain­si que prit corps la retraite des Dix-Mille. Les mil­liers de mer­ce­naires grecs mêlés à l’in­ten­dance de l’ar­mée – hommes, femmes et enfants – for­mèrent un grand cortège qui dut trou­ver son chemin à tra­vers l’im­mense Perse pour essay­er de ren­tr­er en Grèce. Les épreuves qu’ils tra­ver­sèrent en ter­res hos­tiles mar­quèrent les esprits de l’époque. C’est Xénophon, philosophe athénien dis­ci­ple de Socrate, qui a ren­du compte de cette épopée, s’é­tant lui-même enrôlé dans l’expédition.

Jean-Luc Marc­hand, com­ment avez-vous fait se ren­con­tr­er votre héros spar­ti­ate et ce philosophe au fil du réc­it ? Quelles raisons ont guidé votre choix du moment des ren­con­tres et de leur contenu ?

Jean-Luc Marc­hand : Je ne pou­vais bien sûr pas ignor­er Xénophon. D’abord parce que l’histoire est con­nue grâce à son réc­it, mais aus­si parce qu’il a tenu un rôle impor­tant dans cette aven­ture. Par con­tre, pour avoir lu et relu son « Anabase », il est évi­dent à tra­vers ses pro­pres mots qu’il s’est attribué un rôle plus impor­tant que celui qu’il a véri­ta­ble­ment tenu. Il suf­fit de pren­dre son texte pour com­pren­dre que mal­gré les cir­con­stances, il n’était pas devenu le général en chef qu’il a pré­ten­du être. Il a aus­si mis en avant beau­coup de ses pro­pres ini­tia­tives et je me suis demandé lesquelles avaient été réelle­ment les siennes et lesquelles avaient été enjo­livées a pos­te­ri­ori. Par­fois le déroule­ment du réc­it per­met de répon­dre à ces ques­tions. Par ailleurs, il avait été un dis­ci­ple de Socrate. Le per­son­nage était donc intéres­sant. Sophénète le ren­con­tre plusieurs fois, notam­ment quand il est évi­dent que Xénophon est un acteur impor­tant de l’épopée. Et puis, le jeune hoplite com­prend aus­si à son con­tact que la philoso­phie est peut-être une dis­ci­pline qui peut l’aider à mieux appréhen­der le monde. Quelques paroles échangées entre eux lui per­me­t­tent ain­si de com­pren­dre un peu ce qu’il éprouve.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Au cours de cette expédi­tion de retour, Sophénète va être élu énomo­tar­que et devoir diriger des hommes. Il déclare : « J’eus le sen­ti­ment un peu orgueilleux que je saurais rem­plir ma mis­sion. J’avais vu des chefs ne pas s’y pren­dre comme il fal­lait pour attein­dre un objec­tif, alors qu’il exis­tait d’autres façons que la seule bru­tal­ité pour y par­venir. » Jean-Luc Marc­hand, c’est un mod­èle de chef que vous évo­quez là ; votre commentaire ?

Jean-Luc Marc­hand : Oui. Il existe plusieurs types de chefs ; j’en évoque quelques-uns dans le réc­it. La rival­ité des généraux grecs per­met de met­tre en évi­dence quelques com­porte­ments car­ac­téris­tiques. Il y a les pré­ten­tieux, les autori­taires et les ambitieux bien sûr, mais aus­si ceux qui restent indif­férents aux sen­ti­ments de leurs hommes ou au con­traire veu­lent se faire aimer d’eux. Rares sont ceux qui trou­vent le bon équili­bre pour à la fois servir la cause com­mune et ne pas oubli­er les indi­vidus qu’ils diri­gent. Kirisophe, celui qui en fait rame­na cette armée de mer­ce­naires, fai­sait sans doute par­tie de ceux-là. Sophénète, pour avoir observé les com­porte­ments des hommes, et notam­ment des chefs, pense qu’il peut faire mieux tout d’abord en ne repro­duisant pas des com­porte­ments qu’il blâmerait s’ils s’imposaient à lui. Il a com­pris qu’il fal­lait éviter de faire aux autres ce que l’on ne veut pas pour soi. Il a com­pris que ceux qui ne savent pas se met­tre à la place des autres ignorent com­ment les amen­er à adhér­er sincère­ment à leurs visées, à leur cause, à leurs objec­tifs, quels qu’ils soient.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Il sem­blerait que votre per­son­nage-héros suive dans la fic­tion les traces de son père, ancien hoplite dis­paru. Là encore, vous revenez habile­ment sur la sug­ges­tion du départ : la recherche du père. Com­ment Sophénète en entend-il par­ler et qu’apprend-il ?

Jean-Luc Marc­hand : À l’égal des guer­ri­ers de Sparte mort pour la cité, son père est un héros par­mi d’autres jusqu’à ce qu’il décou­vre une rumeur sur les raisons de sa dis­pari­tion. La recherche du père est un pré­texte pour jus­ti­fi­er son départ sans avoir reçu l’accord des autorités de la cité. Sophénète n’y croit pas vrai­ment lui-même. Com­ment pour­rait-il retrou­ver les traces d’un père et de son his­toire dans ces immenses ter­ri­toires de la Perse ? Et puis, il red­oute un peu de con­naître les vraies cir­con­stances de sa dis­pari­tion, même s’il aimerait en avoir le cœur net. Les événe­ments vont lui per­me­t­tre d’apprendre ce qui s’est passé et, finale­ment, il va approu­ver le choix de son père qui avait refusé une soumis­sion absurde. Le sou­venir du père per­met aus­si d’illustrer ce rap­port des hommes au passé : sou­vent idéal­isé, par­fois remis en cause, il tombe finale­ment le plus sou­vent dans l’oubli. Pour­tant, en s’intéressant au passé, on com­prend que d’autres ont éprou­vé ou vécu des choses qui pour­raient nous paraître sin­gulières pour la seule rai­son qu’elles nous arrivent à nous-mêmes.

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Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : L’un des thèmes qui transper­cent votre ouvrage, c’est celui de l’ami­tié. Il trou­ve un point cul­mi­nant au moment de la mort d’Amyn­tas, un ami d’en­fance et de jeunesse de Sophénète. D’où vient cette évocation ?

Jean-Luc Marc­hand : Les hoplites spar­ti­ates étaient des frères. Prêts à mourir l’un pour l’autre, leur longue édu­ca­tion, les épreuves tra­ver­sées ensem­ble, visaient à créer ces liens inde­struc­tibles entre eux. Ils étaient à la fois uniques l’un pour l’autre, mais sem­blables l’un à l’autre. L’amitié ou l’amour sont finale­ment les raisons qui nous encour­a­gent à pour­suiv­re notre route. Tenir la main d’un ami qui va mourir est une expéri­ence que j’ai par ailleurs vécue personnellement.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Sophénète prononce à ce moment une phrase sig­ni­fica­tive : « Je lui con­fi­ai que je ne croy­ais plus beau­coup dans les dieux, même si leur emprise sur les hommes m’in­triguait. » Vu l’époque et le con­texte, cette phrase a plusieurs réso­nances : une évo­lu­tion his­torique qui s’an­nonce ? Une ques­tion métaphysique ?

Jean-Luc Marc­hand : Sophénète a com­pris que les choses sont plus com­plex­es qu’il croy­ait. En quit­tant sa cité, en par­tant à la décou­verte du monde et des autres, en se con­frontant à d’autres « vérités », il parvient à délaiss­er ses cer­ti­tudes et ses croy­ances. Il décou­vre que des dieux ont existé avant de dis­paraître ; qu’il en existe de nom­breux autres dont il ignore tout. Il n’est pas prêt à admet­tre que tous ces dieux peu­vent coex­is­ter et fréquenter l’Olympe (con­traire­ment aux Romains qui eux accueilleront tous les nou­veaux dieux dans leur pan­théon). Cela ne cor­re­spond ni à ce qui lui a été appris ni à ce qu’il a déduit de ses obser­va­tions. Il finit par com­pren­dre que les croy­ances des hommes nais­sent unique­ment des hommes eux-mêmes. Sans doute aus­si une dis­cus­sion avec Xénophon a‑t-elle aidé Sophénète à mieux for­muler ses déduc­tions. Xénophon, le dis­ci­ple de Socrate, lui a men­tion­né l’asébie de son maître, c’est-à-dire son incon­duite à l’égard des dieux qui engen­dr­erait de fait une incon­duite à l’égard des hommes. Socrate dis­ait aus­si que les hommes étaient les seuls ani­maux à avoir inven­té des dieux. Cette révéla­tion éclaire alors ce que l’hoplite avait ressen­ti con­fusé­ment, à savoir que ces croy­ances induisent aus­si une forme de soumis­sion dont il ne veut plus.

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