Résumé de l’éditeur : L’hoplite ou l’épopée des Dix-Mille — Jean-Luc Marchand
L’hoplite ou l’épopée des Dix-Mille est une fiction historique inspirée de L’Anabase de Xénophon, plus qu’une épopée, ce livre est une immersion dans le quotidien des hoplites.
Sophénète est un enfant de Sparte. Destiné à faire la guerre jusqu’à la mort, il sait que seuls les plus grands héros peuvent prétendre à un repos aux champs Élysées. Mais, alors qu’il achève sa kryptie, l’épreuve initiatique finale pour intégrer la cité et rejoindre l’élite des hoplites, les conflits contre Athènes ont cessé.
Le jeune homme ne peut pourtant pas envisager son avenir sans faire la guerre pour conquérir sa gloire. En s’enrôlant dans une expédition aventurière de mercenaires grecs qui s’organise en Perse, il va découvrir dans cet immense royaume, la guerre, des cités et des fleuves, des anciens rois oubliés, des dieux inconnus, des peuples barbares, la rivalité des chefs…
Sur les traces de L’Anabase du philosophe athénien Xénophon qui a relaté cette véritable épopée démarrée en ‑401, le récit de Sophénète se veut le témoignage d’un simple hoplite spartiate, curieux et observateur qui va comprendre combien le monde est plus vaste qu’il ne croyait.
Illustré par Hélène Marchand-Cury
Image de couverture : Julie Pedron
Biographie de l’auteur : Jean-Luc Marchand
Après « Drusilla », qui narrait les péripéties de la sœur de Bérénice en l’an 49, cette fois Jean-Luc Marchand, avec L’Hoplite ou l’épopée des Dix-Mille se lance dans l’écriture d’une fiction historique qui offre une immersion dans l’univers des guerriers de Sparte entraînés dans une aventure épique.
Extrait du livre L’Hoplite ou l’épopée des Dix-Mille
Perché dans un arbre à moitié nu, armé d’un simple couteau, je restais immobile, évitant de faire le moindre bruit pour mieux entendre les bruissements de la forêt. Kléonikos et Amyntas avaient eux aussi choisi leur arbre et chacun était juché sur une solide branche, les sens semblablement en éveil. La nuit commençait à tomber et nous savions que bientôt l’air froid nous engourdirait, comme au cours de ces autres longues nuits passées à parcourir cet immense espace inhabité. Si durant le jour nous restions embusqués pour ne pas être vus, nous profitions de la nuit pour nous déplacer, ce qui avait l’avantage de rendre la fraîcheur nocturne un peu plus supportable. Nous avions repéré cet endroit la veille, grâce aux traces évidentes laissées par des passages répétés de gibiers. Une souille à proximité ne laissait aucun doute quant à la fréquentation du lieu par les sangliers. Figé dans ma posture, fixant du regard la direction de laquelle je pensais que la harde déboucherait, je ne compris pas tout de suite qu’Amyntas me chuchotait quelque chose :
— Sophénète… Sophénète… tu crois qu’ils vont passer ce soir ?
— … Oui. C’est une véritable glandaie ici. Ils vont passer. Il faut patienter.
— J’espère, parce que j’en ai assez de manger des racines et des châtaignes.
— Moi aussi. On va se régaler ce soir.
— Vivement que s’arrête notre épreuve. Es-tu sûr qu’il ne reste que cinq ou six jours encore ?
— Mais oui ! Tu as vu la lune hier soir. Bientôt nous pourrons quitter la forêt et rejoindre la cité.
— Quelle est la première chose que tu feras quand nous serons rentrés ?
— Je ne sais pas. Je n’y ai pas songé. Et toi ?
— Je crois bien que j’irai demander à Eunice si elle veut devenir ma femme.
— Taisez-vous, vous faites trop de bruit.
C’était Kléonikos qui nous rappelait à l’ordre. Sans doute ne voulait-il pas rater l’occasion de manger de la viande. Notre plan était simple : dès que les sangliers viendraient se vautrer dans la bauge ou se goinfrer de glands, nous leur tomberions dessus depuis nos arbres. Un marcassin nous suffirait. Il nous fallait en effet ne tenir que quelques jours pour achever notre kryptie*. Retrouvant mon immobilité forcée, les projets amoureux d’Amyntas me firent songer à toutes ces années passées ensemble et au chemin parcouru vers cette ultime épreuve qui devait valider notre appartenance à l’élite des hoplites*.
Comme tous mes frères d’armes, j’avais été retiré à ma famille dès l’âge de sept ans pour confier mon éducation aux pédonomes*. Quelques années plus tard, en embuscade sur cet arbre, je gardais encore le souvenir de l’étreinte de ma mère quand j’avais dû la quitter. Son embrassade n’avait pas été particulièrement différente de celles qu’elle me faisait parfois, témoignage habituel de sa tendresse. Pourtant ses caresses, soit que je fus moi-même dans des dispositions qui m’incitèrent à les rendre uniques, soit que ma mère y instilla délicatement tout son chagrin d’avoir à me laisser partir, m’insufflèrent une grande mélancolie. Partagé entre cette envie de rejoindre au plus vite notre fière armée et le regret de quitter cette mère qui pourtant m’encourageait à faire mon devoir, j’avais pris conscience que ma vie d’enfant se terminait.
Rappel historique : L’épopée des Dix-Mille est le nom donné au périple entamé par 12 800 soldats grecs mercenaires originaires de Sparte, Thèbes, etc. enrôlés par Cyrus le Jeune (424 – 401) pour renverser du trône de Perse son frère aîné, le souverain achéménide Artaxerxès II Mnèmon.
Pourquoi lire l’Hoplite ?
Les guerres médiques du Ve siècle av. J.-C faisant suite à la révolte des cités grecques asiatiques pour lutter contre la domination perse. L’issue du conflit scelle conventionnellement le passage de l’époque archaïque à l’époque classique. Si la bataille des Thermopyles opposant l’armée perse à l’armée grecque (composée notamment de guerriers Mantinéens, Tégéens ou Spartiates) est certainement le fait d’armes qui a le plus marqué l’histoire antique grecque, cette période méconnue s’illustre bien plus que par des récits de guerre.
Plus qu’une fiction historique narrant des hauts faits sur des champs-de-bataille, l’Hoplite ou l’épopée des Dix-Mille est un ouvrage de référence pour découvrir ou redécouvrir une partie de l’histoire de la Grèce antique. La mythologie hellène, les relations entre Athènes et Sparte, l’entrainement auquel chaque guerrier spartiate devait se soumettre, leur armement, leur sens aiguë de la patrie, le quotidien des esclaves, des combattants et des stratèges, font partie des sujets abordés. Mais à travers le long chemin parcouru par Sophénète, qui s’était « préparé à battre les Athéniens et les Barbares », c’est le témoignage d’un simple hoplite, un peu curieux et observateur que le lecteur découvre.
Extrait de la Préface
En 401 avant notre ère, peu après la fin des guerres du Péloponnèse qui vit Sparte vainqueur d’Athènes, une armée de mercenaires grecs se mit au service des ambitions du prince Cyrus, jeune frère d’Artaxerxès II le roi des Perses. Sous le prétexte d’une opération de maintien de l’ordre dans les satrapies dont il avait la charge, Cyrus dirigea en fait l’expédition pour tenter de renverser son frère. Parvenu aux portes de Babylone, le jeune prince perdit la vie à la bataille de Counaxa. Alors, plus de douze mille mercenaires grecs, ainsi qu’une suite innombrable de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, intendance habituelle des armées de ce temps, se sont retrouvés isolés en pays hostile.
Ce considérable cortège dut trouver son chemin à travers l’immense Perse pour essayer de rentrer en Grèce. Ils eurent à franchir des fleuves et des montagnes, à lutter contre la chaleur et le froid, à se battre pour manger, et bien sûr à affronter de nombreux ennemis. Ils combattirent les troupes du roi, mais aussi les peuples barbares sur les territoires desquels ils pénétraient. Leur but n’était pourtant que de regagner leur patrie. Cette longue errance prit le nom de retraite des Dix-Mille.
Passionnante épopée d’une rigueur historique remarquable