Dernière mod­i­fi­ca­tion le 5 novem­bre 2022 par La Com­pag­nie Littéraire

Qui étaient les hoplites ? Jean-Luc Marc­hand, auteur de la fic­tion his­torique l’Ho­plite ou l’Épopée des Dix-Mille nous en dit plus dans cet article.

Déf­i­ni­tion hoplites : Dans la Grèce antique, un hoplite était un sol­dat de l’infanterie lourde. Le mot ὁπλίτης = hoplitēs provient du terme grec ancien ὅπλον = òplon qui sig­ni­fie arme.

Histoire des hoplites

Résul­tat d’une évo­lu­tion pro­gres­sive, ce mod­èle de guer­ri­er grec est attesté depuis la fin de l’époque dite archaïque, au début du VIIe siè­cle avant notre ère. Même si Homère en fait une men­tion anachronique dans l’Ili­ade, ce type de com­bat­tants est apparu durant l’époque clas­sique en lien avec la nais­sance des « polis » (πόλις), les cités-États.

Athènes dévelop­pa le mod­èle du ser­vice mil­i­taire oblig­a­toire. Les jeunes s’entraînaient dans les gym­nas­es, ils appre­naient le maniement des armes et le com­bat en pha­lange (φάλαγξ). Lors de leur appren­tis­sage, nom­mé éphé­bie, les jeunes hommes rece­vaient égale­ment des for­ma­tions dans l’art de la rhé­torique, de la poli­tique et de la guerre. L’homme par­fait devait être sain de corps et d’esprit. Les grands hommes d’État de la démoc­ra­tie athéni­enne (tels Cimon, Péri­clès, Cléon ou Alcib­i­ade) ain­si que de nom­breux auteurs ou philosophes (tels Sopho­cle, Socrate, Xénophon) ont reçu cette édu­ca­tion. Un batail­lon d’hoplites était ini­tiale­ment rat­taché à une tribu (il y avait dix tribus à Athènes). Il était com­mandé par un tax­i­ar­que qui rendait compte aux stratèges, les mag­is­trats en charge de l’armée. Envoyé aux fron­tières ou dans des citadelles stratégiques pour défendre l’État, le sim­ple citoyen grec pou­vait retourn­er à sa vie nor­male une fois son devoir accom­pli. Beau­coup de villes grec­ques copièrent ce mod­èle de la cité athénienne.

À Sparte, les hoplites étaient des hommes libres (Ὅμοιοι sig­nifi­ant les sem­blables) qui se con­sacraient ain­si exclu­sive­ment à la guerre et au com­bat. L’éducation des jeunes citoyens de Laconie com­mençait dès l’âge de sept ans. Ils étaient retirés à leurs par­ents pour être con­fiés à des édu­ca­teurs, les pédonomes (παιδονόμος). Le père était rem­placé par un tuteur, l’éraste (ἐραστής), qui par­rainait le jeune ado­les­cent, appelé éromène (ἐρώμενος). La pédérastie, insti­tu­tion morale et éduca­tive, n’était pas à Sparte à car­ac­tère sex­uel. Xénophon déclare même qu’un éraste désir­ant son éromène aurait été aus­si hon­teux qu’un père désir­ant son fils. La for­ma­tion était jalon­née d’épreuves. Elle con­sti­tu­ait un véri­ta­ble par­cours ini­ti­a­tique, long et dif­fi­cile, des­tiné à pré­par­er les hommes au sac­ri­fice ultime pour la col­lec­tiv­ité. L’esprit de sol­i­dar­ité était poussé à l’extrême chez les Lacédé­moniens qui choi­sis­saient de mourir plutôt que de se ren­dre. Six polé­mar­ques com­mandaient les divi­sions (appelées mora), cha­cune d’entre elles était com­posée de deux ou qua­tre com­pag­nies (les loches ou lochoi) ayant cha­cune 480 hommes. La plus petite unité s’appelait l’énomotie et com­por­tait trente hommes et deux gradés : l’énomotarque, le chef qui pre­nait la tête de l’unité, et l’ourague, son sec­ond, placé à l’arrière pour con­trôler la cohé­sion de la formation.

Pour aller plus loin :

l'épopée des dix-milles

L’Hoplite ou l’épopée des Dix-Mille, par Jean-Luc Marc­hand est le témoignage de Sophénète sim­ple hoplite spar­ti­ate, curieux et obser­va­teur qui va com­pren­dre com­bi­en le monde est plus vaste qu’il ne croyait.

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L’équipement des hoplites

À Sparte, l’ho­plite devait pay­er son équipement qui était générale­ment très onéreux. Cepen­dant, cer­taines cités le finançaient afin de dis­pos­er d’une armée de sol­dats pro­fes­sion­nels. De grande valeur, cet équipement de pro­tec­tion et de com­bat était le plus sou­vent trans­mis de père en fils.

  • Le casque (κράνος). Il a pris plusieurs formes au cours des siè­cles en s’inspirant du casque corinthien. Fait de bronze, par­fois de cuir, il était doté d’un pro­tège-nez et de pro­tège-joues. Un cimi­er en crin de cheval, allant du front vers la nuque, per­me­t­tait de « grandir » l’hoplite face à l’ennemi.
  • La cuirasse (θώραξ). L’ar­mure était ini­tiale­ment con­sti­tuée de plaques de bronze. À par­tir du Ve siè­cle avant notre ère apparurent des mod­èles plus légers faits de cuir et de bronze.
  • Les cnémides (κνημῖδες). En bronze, mais par­fois en fer ou en cuir, ces pro­tège-tib­ias étaient générale­ment mod­elés directe­ment sur les jambes du sol­dat.
  • Le boucli­er (ἀσπίς). Il était de forme con­cave, con­sti­tué de bois recou­vert de cuir et le plus sou­vent de bronze. Un bras­sard et une poignée per­me­t­taient une bonne saisie.
  • L’épée courte (ξίφος). Elle était courte pour être mani­able lors des com­bats au corps à corps.
  • La lance (δόρυ). La lance était l’arme la plus impor­tante pour l’ho­plite et la meilleure. Faite d’un bois solide d’une longueur d’environ deux mètres, elle dis­po­sait d’une pointe en fer ou en bronze d’une ving­taine de cen­timètres pour transpercer l’armure de l’en­ne­mi. Une sec­onde pointe sur le talon, plus courte, per­me­t­tait d’achever l’homme à terre. La lance n’était pas une arme de jet.

armement hoplites casque

armures armes hoplites

Illus­tra­tions par Hélène Marc­hand-Cury

Formation sur le champ de bataille

Regroupés en pha­langes sur les champs de bataille, les hoplites se tenaient le plus générale­ment sur huit rangs com­pacts, épaule con­tre épaule. Leur boucli­er ser­vait à pro­téger à la fois leur flanc gauche ain­si que le flanc droit de leur voisin. Durant la bataille, ceux du pre­mier rang dirigeaient vers l’avant leur lance qu’ils sai­sis­saient à la moitié de la longueur. Ceux du sec­ond rang pointaient égale­ment leur lance vers l’ennemi en la sai­sis­sant au quart de sa longueur pour la pos­er sur l’épaule de celui qui précé­dait. Les sol­dats des autres rangs main­te­naient leur lance en l’air, mais se tenaient prêts à rem­plac­er celui qui tomberait devant eux. Les rangs impairs (1,3,5,7) étaient dénom­més « pro­to­states » et les rangs pairs « épis­tates ». Il fal­lait que les rangs restent com­pacts et sol­idaires pour main­tenir un front infran­chiss­able lors d’une charge de l’ennemi ou pour enfon­cer sa ligne de défense. Les car­ac­téris­tiques du com­bat des hoplites en pha­langes évoluèrent au fil du temps pour devenir un art grec com­plexe qui se répan­dit dans tout le bassin méditer­ranéen. Même les Pers­es, enne­mis tra­di­tion­nels des Grecs à cette époque, fai­saient appel à l’expertise de mer­ce­naires hel­lènes pour leur infan­terie lourde. Jusqu’à l’époque hel­lénis­tique, l’armement ou les tac­tiques évoluèrent. On con­state par exem­ple dans la pha­lange macé­doni­enne l’apparition d’une lance plus longue, la sarisse, qui fai­sait six mètres de long, ain­si qu’un équipement plus léger pour favoris­er les déplace­ments rapides.

Quelques célèbres batailles d’hoplites :

De nom­breuses batailles ou des faits d’armes impli­quant des hoplites ont été rap­portés par les chroniqueurs ou les his­to­riens, tels Hérodote, Thucy­dide ou Xénophon. Par­mi les plus célèbres, citons :

  • La Bataille des cham­pi­ons (546 avant Jésus-Christ). Elle opposa Argos à Sparte. Les deux villes s’étaient mis­es d’accord pour que seuls les trois cents meilleurs hommes de chaque camp s’affrontent jusqu’à la mort, évi­tant ain­si l’engagement des deux armées. Deux Argiens, pen­sant être les derniers en vie, quit­tèrent le champ de bataille, mais Oth­ryadès, un Spar­ti­ate blessé, avait survécu à ses blessures. Étant le dernier présent, il per­mit à Sparte de revendi­quer la vic­toire. La légende dit que, hon­teux d’avoir survécu à ses com­pa­tri­otes, Oth­ryadès se serait sui­cidé peu après.
  • La bataille de Marathon (490 avant Jésus-Christ) lors des guer­res médiques, vit la vic­toire d’Athènes alliée à Platées face aux Pers­es du roi Dar­ius Ier qui avaient débar­qué sur cette plage pour envahir la Grèce. Après la bataille, une par­tie des hoplites grecs rejoignirent Athènes à marche for­cée pour dis­suad­er une attaque de la ville par ceux des Pers­es qui avaient rem­bar­qué et qui pen­saient pou­voir pren­dre Athènes lais­sée sans défense.
  • La bataille des Ther­mopy­les au cours de la sec­onde guerre médique (480 avant Jésus-Christ) vit la résis­tance héroïque, mais vaine de quelques hoplites de Sparte (les fameux 300 du roi Léonidas) face aux Pers­es de Xerxès Ier.
  • La bataille de Platées (479 avant Jésus-Christ) fut une vic­toire de Sparte et des cités alliées con­tre les forces pers­es et les Grecs médis­ants (c’est-à-dire alliés aux Mèdes). Cette bataille mobil­isa l’une des plus grandes forces jamais employées dans une guerre du monde grec antique. Pour Sparte furent alignés 5 000 citoyens libres, 5 000 périèques (hommes libres de Laconie, mais non citoyens), 35 000 hilotes (pop­u­la­tion de Laconie mise en esclavage par Sparte). La bataille mit un terme à la sec­onde guerre médique.
  • La bataille de Sphac­térie, épisode de la guerre du Pélo­pon­nèse entre Athènes et Sparte, (425 avant Jésus-Christ) se sol­da par une défaite des Spar­ti­ates. Pour la pre­mière fois dans l’histoire de Sparte, des hommes s’étaient ren­dus plutôt que d’avoir choisi la mort au com­bat. Cette red­di­tion provo­qua un trau­ma­tisme pour la cité.
  • La bataille de Man­ti­née, épisode de la guerre du Pélo­pon­nèse entre Sparte et Argos alliée à Athènes (418 avant Jésus-Christ). Les Lacédé­moniens rem­portèrent la vic­toire. Sparte respec­ta la tra­di­tion de ne pas tuer inutile­ment ses enne­mis. Mille Argiens encer­clés en fin de bataille n’ont été ni mas­sacrés ni faits pris­on­niers, mais libérés. Thucy­dide rap­porte que les com­bats ont été menés exclu­sive­ment par les pha­langes hoplitiques.
  • La bataille de Counaxa en 401 avant Jésus-Christ. Le jeune prince Cyrus voulant ren­vers­er son frère, le roi des Pers­es Artax­erxès II, il enrôla une armée de mer­ce­naires grecs com­posée de plus de 12 000 hoplites. Mais Cyrus mou­rut lors de la bataille à prox­im­ité de Baby­lone, alors que les Grecs n’eurent qua­si­ment aucun mort à déplor­er. Des mil­liers d’hoplites, mais aus­si des dizaines de mil­liers de civils (les skeuophores) en charge de l’intendance, se retrou­vèrent alors isolés en pays enne­mi. Assail­lis par les troupes du roi, agressés par des peu­ples bar­bares, souf­frant du froid et de la faim, plus de huit mille guer­ri­ers parv­in­rent à ren­tr­er en Grèce. Cet exploit impres­sion­na le monde à l’époque. Il per­mit de com­pren­dre que la Perse n’était pas invin­ci­ble. Alexan­dre le Grand s’en sou­vien­dra. L’expédition de retour a pris le nom de retraite des Dix-Mille.

hoplites bataille de Counaxa

  • La bataille de Leuc­tres, près de Thèbes, en 371 avant Jésus-Christ. Elle vit la défaite des Spar­ti­ates face aux Thébains menés par Épaminon­das. À cette occa­sion, celui-ci mit en œuvre une nou­velle tac­tique : l’or­dre oblique, qui visait à déséquili­br­er l’aile droite des pha­langes enne­mies, aile la plus frag­ile en rai­son de l’asymétrie dans la tenue du boucli­er. La bataille mit un terme à l’hégémonie spartiate.
  • La bataille de Chéronée (Béotie) en 338 avant Jésus-Christ opposa Philippe II, le Macé­donien, à une coali­tion de cités menée par Athènes et Thèbes. Rem­portée par les Macé­doniens, cette bataille mar­qua le début de la dom­i­na­tion macé­doni­enne sur le monde hel­lénique. Le batail­lon sacré, corps d’élite thébain mythique con­sti­tué exclu­sive­ment d’amants pédéras­tiques, aurait été mas­sacré par la cav­a­lerie com­mandée par le fils du roi, le futur Alexan­dre le Grand.
  • La bataille de Gaugamèles en 331 avant Jésus-Christ per­mit à l’armée d’Alexan­dre le Grand de vain­cre le roi perse Dar­ius III. Les 40 000 sol­dats du roi macé­donien (dont 31 000 hoplites, peltastes et hypaspistes et une cav­a­lerie com­posée de 7000 hommes) durent faire face aux 277 000 fan­tassins, 23 000 cav­a­liers, 200 chars et 15 éléphants de guerre des Pers­es. Grâce notam­ment au place­ment dit « en éch­e­lon » de ses troupes visant à occu­per le ter­rain, Alexan­dre rem­por­ta une vic­toire totale.

Image de cou­ver­ture de l’ar­ti­cle : Julie Pedron

Texte : Jean-Luc Marchand

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