Dernière mod­i­fi­ca­tion le 5 novem­bre 2022 par La Com­pag­nie Littéraire

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Jean-Luc Marc­hand, vous nous avez sur­pris tant par le sujet de votre livre Drusil­la que par sa forme : une pièce de théâtre de fac­ture clas­sique, écrite en alexandrins.

Procé­dons par ordre : tout d’abord pourquoi le choix de la forme ?

Jean-Luc Marc­hand : Je suis par­ti de la pièce Bérénice, de Jean Racine. J’ai appris par cœur des pas­sages entiers, que j’ai d’ailleurs en grande par­tie oubliés. La beauté des alexan­drins de Racine ne réside pas unique­ment dans la musique des mots ou dans le rythme des pieds, mais aus­si dans son art d’exprimer par la rime un pro­pos déter­mi­nant ou une image forte. Bérénice étant un per­son­nage impor­tant de ma pièce, j’ai hésité, devant l’ampleur du défi, entre la faire par­ler en prose ou en vers. J’ai choisi les alexan­drins par amour pour la langue de Racine, et parce que j’ai pen­sé qu’ils m’imposeraient une plus grande exi­gence dans le choix des mots.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : La sec­onde ques­tion qui s’im­pose à l’e­sprit, c’est : Com­ment avez-vous « ren­con­tré » Drusilla ?

Jean-Luc Marc­hand : En apprenant des pas­sages par cœur, je ne com­pre­nais pas cer­taines références ou des men­tions à des faits antérieurs. Au départ, j’avais songé à relater les déboires passés d’Antiochus (nom don­né par Racine, mais que je nomme Épiphane), l’amoureux écon­duit par la reine juive. J’ai recher­ché les faits his­toriques. De fil en aigu­ille, j’ai trou­vé la petite sœur de Bérénice, Drusil­la, qui m’a sem­blé un per­son­nage plus intéressant.

Cou­ver­ture du livre Drusil­la, par Jean-Luc Marchand

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : À par­tir de là, vous avez dû vous plonger dans d’im­por­tantes recherch­es. Com­ment avez-vous procédé et com­bi­en de temps cela vous a‑t-il pris ?

Jean-Luc Marc­hand : Pour con­stru­ire l’intrigue, j’ai voulu com­pren­dre le con­texte de l’époque, m’appuyer sur des faits avérés, des per­son­nages réels. J’ai donc lu les his­to­riens antiques et des his­to­riens mod­ernes, spé­cial­istes de cette péri­ode. J’ai mis un an à écrire ce livre.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Drusil­la est une jeune princesse attachante au car­ac­tère bien trem­pé. Com­ment avez-vous con­stru­it votre per­son­nage ? S’est-elle révélée au fil de l’écri­t­ure, au tra­vers de vos recherch­es, ou vous êtes-vous lais­sé, en quelque sorte, guider par sa personnalité ?

Jean-Luc Marc­hand : Je voulais faire de Drusil­la le per­son­nage prin­ci­pal autour duquel tour­nait l’intrigue. Mais tou­jours en cohérence avec les faits his­toriques, et au fur et à mesure que je la fai­sais par­ler, j’ai com­pris qu’elle était une jeune femme qui avait pris son des­tin en main. Elle appa­raît un peu naïve au début de l’histoire, car encore très jeune. Puis elle com­prend qu’elle doit pren­dre ses pro­pres déci­sions pour vivre selon son désir. Elle se libère alors des con­traintes de son monde.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : À quel moment avez-vous sen­ti ou décidé que le livre touchait à sa fin, que l’his­toire était bouclée ?

Jean-Luc Marc­hand : Sa fuite avec le procu­ra­teur Félix met­tait un point final à sa vie passée. Elle choi­sis­sait son des­tin. J’aurais aimé écrire une troisième par­tie, mais la doc­u­men­ta­tion sur sa vie man­quait, car je tenais à rester ancré dans des faits avérés. Elle appa­raît encore une fois dans les textes (Actes des Apôtres de Saint Paul) aux côtés de Félix, mais cela ne m’offrait pas de matière suff­isante pour dévelop­per plus son personnage.

Le lecteur glisse facile­ment dans cet univers poé­tique et dra­ma­tique. Les dia­logues en vers sont sub­tile­ment entre­coupés de prose nar­ra­tive. On est séduit aus­si par le sérieux des recherch­es his­toriques de ce livre qui est agré­men­té par les arbres généalogiques de la famille d’A­grip­pa II et celle d’An­ti­o­chos ain­si que deux cartes géo­graphiques représen­tant les Roy­aumes des Diado­ques, des Empires Séleu­cide, Lagide et de la Pales­tine du 1er siècle.
Écrire une pièce de théâtre en alexan­drins inspirée de Bérénice de Racine est une véri­ta­ble gageure car il faut à la fois ne pas trop s’éloign­er des textes clas­siques et aus­si touch­er des lecteurs con­tem­po­rains qui ne soient pas trou­blés par les dia­logues et l’in­trigue. Pari dif­fi­cile, mais pari réus­si. Irisyne, Babe­lio.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : N’a-t-il pas été dif­fi­cile de quit­ter votre per­son­nage en posant le point final ?

Jean-Luc Marc­hand : Oui, un peu dif­fi­cile, mais j’étais con­tent pour elle, car elle avait choisi son sort. J’aurais quand même bien voulu la suiv­re encore un peu.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Dans votre pièce, Bérénice voit son astre pâlir par rap­port à la pièce de Racine. Elle appa­raît surtout intri­g­ante et pas du tout bien­veil­lante vis-à-vis de sa jeune sœur Drusil­la. D’après vous, qui est au plus près de la réal­ité, Racine ou vous ?

Les textes des auteurs antiques (notam­ment Flav­ius Josèphe) lais­sent enten­dre que Bérénice était une femme qui cher­chait à plaire et que les intrigues de ce temps ne ser­vaient que les ambi­tions des pro­tag­o­nistes. La rival­ité des deux sœurs, réputées être de très belles femmes toutes les deux, était con­nue. Bérénice a fait mon­tre de dévo­tion par moment, mais elle a aus­si renié ses principes religieux en pré­ten­dant s’unir à Titus qui ne se serait jamais con­ver­ti. Je pense donc qu’elle était une femme très poli­tique et ambitieuse. La con­quête de l’Empire romain, au tra­vers d’une union avec le futur empereur, a été son plus grand pro­jet ; et il a échoué.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Il est vrai que les événe­ments que vous relatez sont antérieurs à ceux de la pièce de Racine. Bérénice ne ren­con­tre Titus qu’en l’an 68, alors qu’i­ci nous sommes entre l’an 49 et l’an 54. À ce pro­pos, nous devons soulign­er la facil­ité avec laque­lle vous trans­portez le lecteur, on pour­rait dire aus­si le spec­ta­teur, dans une péri­ode his­torique pour­tant com­plexe. Pensez-vous que les dia­logues en alexan­drins aient un effet mag­ique en ce sens ? Serait-on emportés par la musique des vers ?

Mer­ci pour ce com­men­taire. Je craig­nais que les alexan­drins pussent être un obsta­cle pour le lecteur. Je voulais faire con­naître spé­ci­fique­ment l’histoire de cette jeune femme, mais je crois que les sen­ti­ments des per­son­nages sont intemporels.

Édi­tions La Com­pag­nie Lit­téraire : Pour finir, Jean-Luc Marc­hand, quels pro­jets formez-vous autour de cet ouvrage ? Avez-vous d’autres héroïnes qui vont venir frap­per à la porte de L’Histoire et de l’Écri­t­ure pour se faire entendre ?

Mon souci d’être cohérent avec les faits his­toriques et la pièce de Racine m’a con­duit à cette forme (théâtre en alexan­drins). En écrivant Drusil­la, ou plus pré­cisé­ment en cher­chant une rime, j’ai trou­vé un autre sujet, oublié lui aus­si, qui fut pour­tant une incroy­able aven­ture humaine. Mais nous ver­rons bien.

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