Dernière mod­i­fi­ca­tion le 21 mars 2023 par La Com­pag­nie Littéraire

Dans les arti­cles précé­dents nous avons vu que l’enfance, l’adolescence, la mater­nité et le veu­vage con­sti­tu­aient les prin­ci­pales étapes de la vie des femmes, mais elles tra­ver­saient égale­ment leur exis­tence dans la plus grande diver­sité de con­di­tion, et dans cet arti­cle nous ver­rons juste­ment quels étaient les dif­férents statuts de la femme au Moyen Âge.

Les femmes des campagnes au Moyen Âge

statuts femme Moyen Âge

Pour la plus grande par­tie des femmes du Moyen Âge, l’horizon se borne au ter­roir de leur vil­lage. En dehors des tâch­es domes­tiques et de l’éducation des enfants, les femmes pren­nent une part essen­tielle à la bonne marche de l’exploitation. Les femmes mar­iées sont respon­s­ables de leur mai­son (elles entre­ti­en­nent le feu, pré­par­ent les repas, font le pain et la lessive). Mais leur tra­vail ne s’arrête pas là car la pro­duc­tion tex­tile acca­pare une bonne par­tie de leur journée (elles filent la laine et le lin afin de con­fec­tion­ner des draps et des vête­ments pour toute la famille, mais aus­si pour le seigneur). La mère de famille s’occupe égale­ment du potager, du verg­er et du poulailler qui pro­curent la plus grande par­tie de l’alimentation. Elle trait la vache, barat­te le beurre et fait le fro­mage. Elle par­ticipe égale­ment aux travaux des champs à l’occasion des péri­odes les plus chargées (en juin : la fenai­son et la mois­son, en été : le battage et la cueil­lette des fruits, en sep­tem­bre : les ven­dan­ges et à l’automne : le glan­age). Elles sont exclues de la vie publique des com­mu­nautés, mais cette vie de tra­vail est ryth­mée par des ren­con­tres entre femmes au lavoir, au moulin, au four ou à la fontaine. Les voisines se retrou­vent à l’occasion des veil­lées où, tout en filant la laine, elles bavar­dent et échangent des commérages.

Les jeunes filles et les femmes céli­bataires gar­dent les trou­peaux et ton­dent les mou­tons avec leurs mères. Elles sont placées dans d’autres familles de leur vil­lage comme salariées pen­dant la mois­son ou comme ser­vantes chez les paysans les plus rich­es. Le statut des femmes des cam­pagnes au Moyen Âge fait que leur salaire est tou­jours inférieur à celui des hommes.

Les femmes des villes au Moyen Âge

statuts femme Moyen Âge

Les épous­es de patriciens et de rich­es marchands, mènent une exis­tence proche de celle des aris­to­crates. L’essentiel de leur journée con­siste à organ­is­er la bonne marche de leur maison­née, com­posée des mem­bres de la famille, mais aus­si d’une impor­tante domes­tic­ité. Ces femmes sor­tent peu de leurs hôtels et ne par­ticipent pas aux affaires de leurs maris. Plus rares encore sont les femmes qui peu­vent exercer une pro­fes­sion intel­lectuelle (les écoles et l’université leur sont inter­dites). On peut citer Marie de France, dont on ne sait rien ou presque (elle com­pose une douzaine de lais, des poèmes d’amour) et Chris­tine de Pizan.

Découvrir aussi  Dhuoda – Les femmes de lettres dans l'histoire de la femme

En ville, les jeunes filles sont placées en appren­tis­sage dans les métiers les plus divers : pro­fes­sions du tex­tile (qui domine l’économie des villes médié­vales) et de l’alimentation (boulangères, tav­ernières, hôtelières, regrat­tières ou cuisinières). Leurs salaires sont tou­jours inférieurs à ceux des hommes. À Paris, les femmes sont présentes dans de très nom­breuses pro­fes­sions artistiques.

Les jeunes femmes céli­bataires, peu for­mées, issues des cam­pagnes, entrent sou­vent au ser­vice de familles de bour­geois ou d’artisans comme ser­vantes con­damnées à un dur labeur, mal nour­ries et mal vêtues, sou­vent battues, par­fois même abusées sex­uelle­ment par leurs patrons. Un mai­gre salaire leur est ver­sé et elles com­pensent par de petits larcins. Ces pau­vres filles, con­damnées par la jus­tice et engrossées, tombent sou­vent dans la pros­ti­tu­tion. Les pros­ti­tuées : ce sont sou­vent des femmes vio­lées qui ont per­du leur hon­neur, des ser­vantes engrossées ou des ouvrières réduites à la mis­ère. La pros­ti­tu­tion est tolérée par l’Église et le pou­voir pub­lic qui la con­sid­èrent comme une pro­tec­tion con­tre l’homosexualité des prêtres et le viol des jeunes filles et des femmes mar­iées. Pour les prêtres la pros­ti­tuée n’est pas respon­s­able, les clients le sont, c’est elle néan­moins qui doit aban­don­ner sa vie de péché et devenir une fille repen­tie si elle veut échap­per aux flammes de l’enfer. Les archives judi­ci­aires révè­lent les prin­ci­paux crimes féminins : le vol et les injures tout d’abord, quelques bagar­res entre femmes et, beau­coup plus rarement, le meurtre ou l’infanticide.

Le statut des aristocrates au Moyen Âge

statuts femme Moyen Âge

La dame un peu éthérée des poésies des trou­ba­dours et des romans cour­tois n’est qu’un per­son­nage de fic­tion, la vie des femmes de la noblesse est plus prosaïque. La dame se con­sacre essen­tielle­ment à la bonne marche de sa mai­son, ses devoirs mater­nels étant sou­vent restreints car ses nom­breux enfants con­fiés à une nour­rice ou à une ser­vante dès leur nais­sance et plus tard élevés dans des monastères ou, pour les garçons, chez un autre seigneur. Les femmes de la noblesse doivent pos­séder bon nom­bre de qual­ités pour pou­voir gér­er leur domaine et leur mai­son (décrites par Chris­tine de Pizan dans son ouvrage Livre des Trois Ver­tus et que nous décou­vrirons lors du prochain arti­cle) et toutes n’en sont pas capa­bles, ces dernières préfèrent donc con­fi­er la ges­tion de leurs biens à un inten­dant et vivre à la cour. Elles se met­tent alors au ser­vice d’une dame de la haute noblesse et de la reine dont elles parta­gent la vie oisive tout en cher­chant à gag­n­er ses faveurs. Ces quelques priv­ilégiées passent alors leurs journées à jouer aux échecs ou aux cartes, à se promen­er dans les jardins et à aller à la chas­se (pas­sion aris­to­cra­tique par excel­lence). La lec­ture aus­si est une activ­ité très prisée par les femmes de ce rang, elles pos­sè­dent des ouvrages de piété, mais aus­si des romans. La vie de cour est ryth­mée par les fes­tins et les joutes don­nés pour la vis­ite d’un prince ou à l’occasion d’un mariage royal.

Découvrir aussi  5 femmes de lettres écrivant sous un pseudonyme masculin

Atten­tion cette appar­ente oisiveté n’empêche pas les aris­to­crates de se mon­tr­er dans bien des cas fort actives dans la vie publique. On pour­rait citer Marie de Cham­pagne, fille d’Aliénor d’Aquitaine (1179) pour qui Chré­tien de Troyes écrira Le Cheva­lier à la char­rette, Clé­mence de Bour­gogne… Pen­dant la guerre de Cent Ans, le seigneur est sou­vent absent et c’est la dame qui doit gér­er le domaine et qui pour ça a for­cé­ment des con­nais­sances mil­i­taires pour pou­voir défendre son château en cas d’attaque. Femmes fortes, les aris­to­crates ont aus­si des mécènes et de généreuses bien­faitri­ces pour les abbayes féminines dans lesquelles elles vien­nent sou­vent finir leur existence.

Les religieuses au Moyen Âge

statuts femme Moyen Âge

La diver­sité des voca­tions religieuses est impor­tante et offre aux femmes toutes sortes de perspectives.

Le statut des femmes moni­ales au Moyen Âge : en 513, Césaire d’Arles rédi­ge à la demande de sa sœur Césarie une règle de vie pour quelques vierges regroupées autour de l’église Saint-Jean, il fonde ain­si le pre­mier monastère de femmes en Gaule. Puis les com­mu­nautés se répan­dent au VIe siè­cle dans tout le roy­aume mérovingien. L’époque car­olingi­en­ne est mar­quée aus­si par de nom­breuses créa­tions grâce aux dona­tions de la famille royale et impéri­ale. Les monastères de femmes sont nom­breux, mais sou­vent de petite taille. Il faut une dot pour entr­er au cou­vent donc seules les jeunes filles de noble lig­nage y ont accès. Ces jeunes filles n’ont pas tou­jours une voca­tion fer­vente, mais cer­taines éprou­vent une foi ardente, voire mys­tique. D’autres voient dans le monastère la pos­si­bil­ité d’échapper au mariage, de s’assurer une vie sûre et con­fort­able, d’accéder à la cul­ture, voire même à un cer­tain pou­voir. La com­mu­nauté monas­tique doit vivre en autar­cie et un cer­tain nom­bre de moni­ales se char­gent de la ges­tion de l’abbaye ; elles sont choisies par l’abbesse par­mi les plus anci­ennes et expéri­men­tées. L’abbesse est en théorie élue par les sœurs, mais dans la réal­ité, sou­vent imposée par les familles royales, prin­cières ou aris­to­cra­tiques qui ont fondé le monastère. Elle dis­pose d’un pou­voir con­sid­érable au sein de l’Église, mais aus­si des édu­ca­tri­ces, des mécènes et des intel­lectuelles. Les sœurs ne sont pas toutes égales : les pro­fess­es qui ont fait leurs vœux domi­nent les novices et les sœurs con­vers­es, les oblates et les ser­vantes, chargées de travaux manuels. Quelques hommes fréquentent l’abbaye dont les prêtres chargés de dire la messe, les femmes étant exclues du sacerdoce.

Nous citerons deux femmes qui lais­seront des écrits : Her­rade de Lands­berg qui écrira, (vers 1175 – 1185), l’Hor­tus deli­cia­rum (« Le jardin de délices »), pre­mière ency­clopédie com­posée par une femme. Et Hilde­garde de Bin­gen (1098 – 1179) qui est à la fois une mys­tique, une femme d’action et une sci­en­tifique qui com­pose des ouvrages savants comme le Livre de la sim­ple médecine qui com­porte un her­bier, un bes­ti­aire, un lap­idaire et un manuel de médecine et de pharmacologie.

Découvrir aussi  Louise Labé : la plus grande poétesse de la renaissance

Les béguines sont des femmes qui ne pronon­cent pas de vœux monas­tiques, mais qui vivent en com­mu­nauté et pra­tiquent la prière et la péni­tence. Elles ne sont générale­ment pas bien vues par les autorités ecclési­as­tiques car elles savent lire et écrire, traduisent des textes sacrés en langue vul­gaire et enseignent au peuple.

Les reclus­es quant à elles sont mieux accep­tées par l’Église ; la recluse est une femme qui s’enferme à vie dans une petite cel­lule murée et dont la survie dépend des citoyens du vil­lage. Elles sont nom­breuses dans toutes les villes médié­vales. Cette sit­u­a­tion résulte d’un choix volon­taire mais irréversible. Cette dernière n’est pas inter­dite aux hommes, mais elle est très majori­taire­ment fémi­nine. En effet, c’est un choix sou­vent presque imposé aux veuves et aux femmes âgées qui veu­lent échap­per à la pau­vreté ou à un mariage for­cé. C’est aus­si pour quelques fortes per­son­nal­ités un moyen para­dox­al de s’assurer une vie publique, car la recluse jouit d’un grand pres­tige, les fidèles l’écoutent et la respectent.

Les sœurs hos­pi­tal­ières, sou­vent veuves, ne jouis­sent pas du pres­tige des moni­ales et des reclus­es, mais n’en con­stitue pas moins un rouage essen­tiel de la société urbaine. Elles s’engagent au ser­vice des malades comme sœurs hos­pi­tal­ières et prodiguent leurs soins aux orphe­lins, aux pau­vres et aux infirmes.

Dans le prochain arti­cle nous fer­ons con­nais­sance avec Chris­tine de Pizan, la pre­mière femme de let­tres à pou­voir vivre de sa plume.


Si la con­di­tion fémi­nine au Moyen Âge vous intéresse vous pou­vez aus­si con­sul­ter les arti­cles suiv­ants de notre mai­son d’édi­tion : Les dif­férentes étapes de la vie d’une femme au Moyen Âge et Le rôle de la femme du Moyen Âge au sein de la famille. 

Notre sélection de livres pour ceux qui aiment l’histoire

Vous avez appré­cié de vous instru­ire sur les dif­férents types de femmes au Moyen Âge ? Con­tin­uez d’étof­fer vos con­nais­sances avec cette sélec­tion de livres his­toriques à lire et à relire !

Restons en contact !

Inscrivez-vous pour recevoir les actu­al­ités lit­téraires, des inter­views exclu­sives d’au­teurs et toutes les news autour des dernières sor­ties de livres !

Nous ne spam­mons pas ! Con­sul­tez notre poli­tique de con­fi­den­tial­ité pour plus d’informations.

Commentaires

Commentaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

2 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
trackback

[…] Si la con­di­tion fémi­nine au Moyen Âge vous intéresse vous pou­vez aus­si con­sul­ter les arti­cles suiv­ants : Le rôle de la femme du Moyen Âge au sein de la famille et Les dif­férents statuts de la femme au Moyen Âge. […]

trackback

[…] Si la con­di­tion fémi­nine au Moyen Âge vous intéresse vous pou­vez aus­si con­sul­ter les arti­cles suiv­ants : Les dif­férentes étapes de la vie d’une femme au Moyen Âge, Les dif­férents statuts de la femme au Moyen Âge. […]

Vérifié indépendamment
50 avis