Dans les articles précédents nous avons vu que l’enfance, l’adolescence, la maternité et le veuvage constituaient les principales étapes de la vie des femmes, mais elles traversaient également leur existence dans la plus grande diversité de condition, et dans cet article nous verrons justement quels étaient les différents statuts de la femme au Moyen Âge.
Les femmes des campagnes au Moyen Âge
Pour la plus grande partie des femmes du Moyen Âge, l’horizon se borne au terroir de leur village.
En dehors des tâches domestiques et de l’éducation des enfants, les femmes prennent une part essentielle à la bonne marche de l’exploitation. Les femmes mariées sont responsables de leur maison (elles entretiennent le feu, préparent les repas, font le pain et la lessive). Mais leur travail ne s’arrête pas là car la production textile accapare une bonne partie de leur journée (elles filent la laine et le lin afin de confectionner des draps et des vêtements pour toute la famille, mais aussi pour le seigneur).
La mère de famille s’occupe également du potager, du verger et du poulailler qui procurent la plus grande partie de l’alimentation. Elle trait la vache, baratte le beurre et fait le fromage. Elle participe également aux travaux des champs à l’occasion des périodes les plus chargées (en juin : la fenaison et la moisson, en été : le battage et la cueillette des fruits, en septembre : les vendanges et à l’automne : le glanage). Elles sont exclues de la vie publique des communautés, mais cette vie de travail est rythmée par des rencontres entre femmes au lavoir, au moulin, au four ou à la fontaine. Les voisines se retrouvent à l’occasion des veillées où, tout en filant la laine, elles bavardent et échangent des commérages.
Les jeunes filles et les femmes célibataires gardent les troupeaux et tondent les moutons avec leurs mères. Elles sont placées dans d’autres familles de leur village comme salariées pendant la moisson ou comme servantes chez les paysans les plus riches. Le statut des femmes des campagnes au Moyen Âge fait que leur salaire est toujours inférieur à celui des hommes.
Les femmes des villes au Moyen Âge
Les épouses de patriciens et de riches marchands, mènent une existence proche de celle des aristocrates. L’essentiel de leur journée consiste à organiser la bonne marche de leur maisonnée, composée des membres de la famille, mais aussi d’une importante domesticité. Ces femmes sortent peu de leurs hôtels et ne participent pas aux affaires de leurs maris. Plus rares encore sont les femmes qui peuvent exercer une profession intellectuelle (les écoles et l’université leur sont interdites). On peut citer Marie de France, dont on ne sait rien ou presque (elle compose une douzaine de lais, des poèmes d’amour) et Christine de Pizan.
En ville, les jeunes filles sont placées en apprentissage dans les métiers les plus divers : professions du textile (qui domine l’économie des villes médiévales) et de l’alimentation (boulangères, tavernières, hôtelières, regrattières ou cuisinières). Leurs salaires sont toujours inférieurs à ceux des hommes. À Paris, les femmes sont présentes dans de très nombreuses professions artistiques.
Les jeunes femmes célibataires, peu formées, issues des campagnes, entrent souvent au service de familles de bourgeois ou d’artisans comme servantes condamnées à un dur labeur, mal nourries et mal vêtues, souvent battues, parfois même abusées sexuellement par leurs patrons. Un maigre salaire leur est versé et elles compensent par de petits larcins. Ces pauvres filles, condamnées par la justice et engrossées, tombent souvent dans la prostitution. Les prostituées : ce sont souvent des femmes violées qui ont perdu leur honneur, des servantes engrossées ou des ouvrières réduites à la misère. La prostitution est tolérée par l’Église et le pouvoir public qui la considèrent comme une protection contre l’homosexualité des prêtres et le viol des jeunes filles et des femmes mariées. Pour les prêtres la prostituée n’est pas responsable, les clients le sont, c’est elle néanmoins qui doit abandonner sa vie de péché et devenir une fille repentie si elle veut échapper aux flammes de l’enfer. Les archives judiciaires révèlent les principaux crimes féminins : le vol et les injures tout d’abord, quelques bagarres entre femmes et, beaucoup plus rarement, le meurtre ou l’infanticide.
Le statut des aristocrates au Moyen Âge
La dame un peu éthérée des poésies des troubadours et des romans courtois n’est qu’un personnage de fiction, la vie des femmes de la noblesse est plus prosaïque. La dame se consacre essentiellement à la bonne marche de sa maison, ses devoirs maternels étant souvent restreints car ses nombreux enfants confiés à une nourrice ou à une servante dès leur naissance et plus tard élevés dans des monastères ou, pour les garçons, chez un autre seigneur.
Les femmes de la noblesse doivent posséder bon nombre de qualités pour pouvoir gérer leur domaine et leur maison (décrites par Christine de Pizan dans son ouvrage Livre des Trois Vertus et que nous découvrirons lors du prochain article) et toutes n’en sont pas capables, ces dernières préfèrent donc confier la gestion de leurs biens à un intendant et vivre à la cour. Elles se mettent alors au service d’une dame de la haute noblesse et de la reine dont elles partagent la vie oisive tout en cherchant à gagner ses faveurs.
Ces quelques privilégiées passent alors leurs journées à jouer aux échecs ou aux cartes, à se promener dans les jardins et à aller à la chasse (passion aristocratique par excellence). La lecture aussi est une activité très prisée par les femmes de ce rang, elles possèdent des ouvrages de piété, mais aussi des romans. La vie de cour est rythmée par les festins et les joutes donnés pour la visite d’un prince ou à l’occasion d’un mariage royal.
Attention cette apparente oisiveté n’empêche pas les aristocrates de se montrer dans bien des cas fort actives dans la vie publique. On pourrait citer Marie de Champagne, fille d’Aliénor d’Aquitaine (1179) pour qui Chrétien de Troyes écrira Le Chevalier à la charrette, Clémence de Bourgogne… Pendant la guerre de Cent Ans, le seigneur est souvent absent et c’est la dame qui doit gérer le domaine et qui pour ça a forcément des connaissances militaires pour pouvoir défendre son château en cas d’attaque. Femmes fortes, les aristocrates ont aussi des mécènes et de généreuses bienfaitrices pour les abbayes féminines dans lesquelles elles viennent souvent finir leur existence.
Les religieuses au Moyen Âge
La diversité des vocations religieuses est importante et offre aux femmes toutes sortes de perspectives.
Le statut des femmes moniales au Moyen Âge : en 513, Césaire d’Arles rédige à la demande de sa sœur Césarie une règle de vie pour quelques vierges regroupées autour de l’église Saint-Jean, il fonde ainsi le premier monastère de femmes en Gaule. Puis les communautés se répandent au VIe siècle dans tout le royaume mérovingien. L’époque carolingienne est marquée aussi par de nombreuses créations grâce aux donations de la famille royale et impériale. Les monastères de femmes sont nombreux, mais souvent de petite taille. Il faut une dot pour entrer au couvent donc seules les jeunes filles de noble lignage y ont accès. Ces jeunes filles n’ont pas toujours une vocation fervente, mais certaines éprouvent une foi ardente, voire mystique.
D’autres voient dans le monastère la possibilité d’échapper au mariage, de s’assurer une vie sûre et confortable, d’accéder à la culture, voire même à un certain pouvoir. La communauté monastique doit vivre en autarcie et un certain nombre de moniales se chargent de la gestion de l’abbaye ; elles sont choisies par l’abbesse parmi les plus anciennes et expérimentées.
L’abbesse est en théorie élue par les sœurs, mais dans la réalité, souvent imposée par les familles royales, princières ou aristocratiques qui ont fondé le monastère. Elle dispose d’un pouvoir considérable au sein de l’Église, mais aussi des éducatrices, des mécènes et des intellectuelles. Les sœurs ne sont pas toutes égales : les professes qui ont fait leurs vœux dominent les novices et les sœurs converses, les oblates et les servantes, chargées de travaux manuels. Quelques hommes fréquentent l’abbaye dont les prêtres chargés de dire la messe, les femmes étant exclues du sacerdoce.
Nous citerons deux femmes qui laisseront des écrits : Herrade de Landsberg qui écrira, (vers 1175 – 1185), l’Hortus deliciarum (« Le jardin de délices »), première encyclopédie composée par une femme. Et Hildegarde de Bingen (1098 – 1179) qui est à la fois une mystique, une femme d’action et une scientifique qui compose des ouvrages savants comme le Livre de la simple médecine qui comporte un herbier, un bestiaire, un lapidaire et un manuel de médecine et de pharmacologie.
Les béguines sont des femmes qui ne prononcent pas de vœux monastiques, mais qui vivent en communauté et pratiquent la prière et la pénitence. Elles ne sont généralement pas bien vues par les autorités ecclésiastiques car elles savent lire et écrire, traduisent des textes sacrés en langue vulgaire et enseignent au peuple.
Les recluses quant à elles sont mieux acceptées par l’Église ; la recluse est une femme qui s’enferme à vie dans une petite cellule murée et dont la survie dépend des citoyens du village. Elles sont nombreuses dans toutes les villes médiévales. Cette situation résulte d’un choix volontaire mais irréversible. Cette dernière n’est pas interdite aux hommes, mais elle est très majoritairement féminine. En effet, c’est un choix souvent presque imposé aux veuves et aux femmes âgées qui veulent échapper à la pauvreté ou à un mariage forcé. C’est aussi pour quelques fortes personnalités un moyen paradoxal de s’assurer une vie publique, car la recluse jouit d’un grand prestige, les fidèles l’écoutent et la respectent.
Les sœurs hospitalières, souvent veuves, ne jouissent pas du prestige des moniales et des recluses, mais n’en constitue pas moins un rouage essentiel de la société urbaine. Elles s’engagent au service des malades comme sœurs hospitalières et prodiguent leurs soins aux orphelins, aux pauvres et aux infirmes.
Dans le prochain article nous ferons connaissance avec Christine de Pizan, la première femme de lettres à pouvoir vivre de sa plume.
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