Dernière mod­i­fi­ca­tion le 19 jan­vi­er 2023 par La Com­pag­nie Littéraire

Aujour­d’hui, notre mai­son d’édi­tion va vous faire décou­vrir ou redé­cou­vrir la femme de let­tres du Moyen Âge la plus illus­tre : Chris­tine de Pizan.

La biographie de Christine de Pizan (ou Christine de Pisan)

Avec Marie de France, dont on ne sait rien ou presque (elle com­pose une douzaine de lais, des poèmes d’amour), Chris­tine de Pisan (ou Pizan) est une des rares fig­ures féminines de la lit­téra­ture française du Moyen Âge. La pre­mière femme qui vivra de sa plume qu’elle brandi­ra pour la défense des femmes.

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Chris­tine de Pizan et la reine Isabeau

Veuve au plus jeune âge

Orig­i­naire de Pisano, près de Bologne, Chris­tine de Pisan gagne la France en 1368, où son père, Thomas de Piz­zano, con­férenci­er d’as­trolo­gie à l’u­ni­ver­sité de Bologne, est appelé pour être médecin et astro­logue à la cour du roi Charles V. Elle passe son enfance à la cour du roi, dont elle écrira plus tard la biogra­phie. Elle épouse en 1380 un jeune noble picard, Éti­enne Cas­tel, notaire et secré­taire du roi qui meurt en 1390 en lui lais­sant trois jeunes enfants et de lour­des dettes. Chris­tine n’a d’autre choix que de vivre de sa plume.

Elle se met en quête de rich­es mécènes et obtient la pro­tec­tion des ducs de Berry, de Bour­gogne et d’Orléans, et de la reine Isabeau de Bav­ière. C’est au cours de cette péri­ode de deuil qu’elle com­pose l’une de ses plus célèbres bal­lades exp­ri­mant toute sa soli­tude et ses tour­ments (cf à la fin de l’article). Elle pro­pose ses poèmes aux rich­es, aux princes et au roi et finale­ment s’impose par son intel­li­gence, son tal­ent et son charme. Le fait de vivre de sa plume est d’ailleurs con­sid­éré avec sévérité par les cri­tiques du XIXe siècle.

Un personnage dont les mœurs dérangent

Au Moyen Âge, la veuve qui ne se remarie pas et qui n’entre pas au cou­vent est regardée avec méfi­ance ; des soupçons d’avarice et de lux­u­re pèsent sur elle. Dans son Livre des Trois Ver­tus, Chris­tine de Pizan, elle-même veuve très jeune, con­seille aux femmes de ne pas don­ner prise aux médi­s­ances. Elles doivent se mon­tr­er sages, mul­ti­pli­er les exer­ci­ces de piété et prier pour le salut de l’âme de leurs époux défunts. Elle incite les plus jeunes à se remari­er pour fuir la mis­ère, quant aux vieilles, il ne leur reste plus qu’à porter le noir et à se faire dis­crètes. La vieille est un per­son­nage récur­rent de la lit­téra­ture médié­vale, elle sym­bol­ise la laideur et la mal­fai­sance, elle ne fait qu’encombrer le monde.

Dans ce même ouvrage, Chris­tine de Pizan détaille avec pré­ci­sion les devoirs d’une châte­laine. Chris­tine pré­cise que son bud­get doit être partagé en cinq postes : les aumônes, les dépens­es de la mai­son, les salaires des servi­teurs, les présents et les bijoux et les robes. Tous les jours, elle doit se préoc­cu­per du rav­i­taille­ment du château et de la fab­ri­ca­tion des ali­ments, non seule­ment pour sa pro­pre famille, mais aus­si pour les servi­teurs, les ser­gents et les officiers du domaine. Elle est amenée par­fois à aller sur les marchés ou les foires pour chercher des ali­ments plus rares (pois­son, vin et épices). Elle doit aus­si se ren­dre sur le ter­rain pour choisir ses fer­miers, veiller au cal­en­dri­er des travaux agri­coles, par­courir ses champs de blé ou sur­veiller ses gens. Elle doit super­vis­er la tonte des bre­bis et faire tiss­er par ses femmes les vête­ments de la famille et des servi­teurs. Elle doit aus­si se mon­tr­er une habile ges­tion­naire en ven­dant au meilleur prix une par­tie de la récolte des céréales et de la tonte.

Ses œuvres littéraires

Dans Le Roman de La Rose (sec­onde par­tie) ver­sion Jehan de Meung (1275), elle juge des pas­sages indignes, insul­tants pour l’image de la femme et va le faire savoir par Le Dit de la Rose (1402). Fidèle à la tra­di­tion médié­vale, son œuvre exploite large­ment le réper­toire allé­gorique qui se mêle à de nom­breux exem­ples tirés notam­ment de l’his­toire antique (surtout de Valère Maxime). Le Livre du chemin de longue estude (1402 – 1403) racon­te, en 6000 vers env­i­ron, un voy­age onirique au pays de Sagesse et de Rai­son. L’Ad­vi­sion de Cristine (1405) est un réc­it allé­gorique où elle évoque les mal­heurs de la France de son temps, intro­duisant par­al­lèle­ment une réflex­ion sur son infor­tune personnelle.

Dans le Livre de Muta­cion de For­tune (1403), Chris­tine de Pisan racon­te com­ment le des­tin, en la faisant devenir écrivain, l’a fait chang­er de sexe : « de femelle devins masle », affirme-t-elle. Tout en s’i­den­ti­fi­ant à la fonc­tion d’«homme de let­tres » et fière de s’adon­ner ain­si à l’é­tude, elle n’ou­blie cepen­dant jamais qu’elle doit défendre, con­tre les injus­tices de la société mas­cu­line, la dig­nité de son sexe. Elle recherche des mécènes et s’adresse à Jean de Berry, duc de Bour­gogne, dont elle devien­dra la pro­tégée et à qui elle dédie son Livre des faits et bonnes moeurs du sage roi Charles V (1404), puis au duc d’Or­léans, à qui elle des­tine le Livre de preud­hom­mie (1405 – 1406).

Christine de Pizan, la grande protégée d’Isabeau de Bavière

À la cour de Charles VI et d’Is­abeau de Bav­ière dont elle devien­dra la pro­tégée, son tra­vail donne nais­sance à une œuvre abon­dante et var­iée qui lui assure une cer­taine notoriété : la rédac­tion d’œuvres savantes, ouvrages didac­tiques édi­fi­ants et poli­tiques, en prose ou en vers, et textes lyriques dans tous les gen­res à la mode, où elle abor­de des sujets per­son­nels, où elle évoque, avec une sincérité touchante, ses sen­ti­ments et ses souffrances.

Par­mi ses poèmes lyriques com­posés entre 1389 et 1405 (Cent bal­lades ; Bal­lades de divers pro­pos ; Cent Bal­lades d’a­mant et de dame), on a surtout retenu ceux qui sont autour de la soli­tude, lié à son état de veuve et à ses mal­heurs per­son­nels. Les autres sont aus­si intéres­sants pour la recherche des com­bi­naisons de rythmes et de rimes, pour leurs thèmes cour­tois, pour leurs thès­es morales : belle leçon dont les cheva­liers de l’époque n’ont guère su tir­er par­ti. Étroite­ment mêlée à la vie poli­tique de son époque, elle pressent les dan­gers que fait courir au roy­aume la rival­ité entre les princes et « milite » en faveur de la con­cil­i­a­tion entre les princes et pour la paix civile : l’Épître à Isabeau de Bav­ière (1405), la Lamen­ta­tion sur les maux de la France (1410). Lorsqu’elle se veut « philosophe », elle s’empare de tous les domaines du savoir, abor­dant aus­si bien des sujets de poli­tique (le Livre du corps de poli­cie, 1404 – 1407), que de morale (le Livre de Preud­hom­mie, 1405 – 1406 ; le Livre de la Paix, 1412 – 1414) ou de reli­gion (les Sept Psaumes allé­gorisés, 1409 – 1410). Elle lais­sera même un traité d’art mil­i­taire (le Livre des faits d’armes et de cheva­lerie, 1410).

Pen­dant les années som­bres de la France, entre 1415 (Azin­court) et la cap­ture de Jeanne d’Arc en 1418, Chris­tine de Pisan se retire au cloître de Pois­sy, elle y écrit son hom­mage à Jeanne d’Arc « le Ditié de Jehanne d’Arc » en 1429 et meurt en 1430.

C’est avec Chris­tine de Pizan qui a su mar­quer son temps que nous quit­tons le Moyen Âge et que nous con­tin­uons notre épopée vers la renaissance…

Mais Cristine de Pizan n’est pas la seule femme de let­tres à avoir mar­qué l’his­toire. Pour en savoir plus, con­sul­tez notre rubrique à pro­pos des femmes de let­tres.

Pour aller plus loin : notre sélection de livres historiques

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