Dernière mod­i­fi­ca­tion le 4 févri­er 2022 par La Com­pag­nie Littéraire

Après avoir étudié l’histoire de la femme au Moyen Âge, voyons com­ment celle-ci est perçue à la Renais­sance, de quelles femmes de let­tres con­nues a‑t-on encore une trace ? Quel est le tableau de la con­di­tion fémi­nine de l’époque ? Quelle est la place de la femme à une époque qui se veut plus « avancée » que celle du Moyen Âge ? Notre mai­son d’édi­tion vous en dit plus sur la place de la femme à la Renaissance.

place femme renaissance
La nais­sance de Vénus, Botticelli

Le contexte historique

C’est en Ital­ie, pays qui domine à l’époque la scène cul­turelle européenne, sous l’influence de Pétrar­que et de Boc­cace, que naît le mou­ve­ment human­iste de la Renais­sance. Com­ment cette influ­ence est-elle arrivée en France ? À la faveur des guer­res de suc­ces­sions, les rois de France (notam­ment Louis XII puis François Ier) se lan­cent à la con­quête de l’Italie. Sous l’effet de ces guer­res, la cul­ture ital­i­enne se répand dans notre pays puis dans le reste de l’Europe. La pein­ture européenne, très vite s’inspire du Quat­tro­cen­to et apprend les règles de la per­spec­tive. La lit­téra­ture subit la même influ­ence : la poésie s’appuie sur des réseaux d’images et de métaphores venues de Pétrar­que et les romans de cheva­lerie venus du Moyen Âge sont adap­tés au goût du jour. À mesure que les pein­tres décou­vrent la per­spec­tive, la représen­ta­tion de l’univers change et la beauté, jusque-là d’ordre divin, se fait humaine. L’humaniste est d’abord curieux des nou­veaux savoirs et des textes antiques : il inter­prète, ouvre le monde à de nou­velles sig­ni­fi­ca­tions, sou­tient le pro­grès des sci­ences et des arts, et enfin remet en cause les certitudes.

Un regard nouveau sur la place de la femme à la Renaissance

Et cette mode, cette redé­cou­verte, dont tous les penseurs de la Renais­sance vont se nour­rir, va faire porter un regard nou­veau sur la femme, mais mal­heureuse­ment pas celui que nous auri­ons souhaité. Avec la redé­cou­verte du droit romain, le pou­voir des femmes s’atténue et c’est le Code Napoléon qui, par la con­sécra­tion du droit du Pater Famil­ias réduit à peu les lib­ertés féminines… Enfin, a pri­ori car les femmes sont pleines de ressources et surtout l’Histoire qui atteste qu’on ne leur recon­naît pas cer­tains droits, leur don­nera le pou­voir mal­gré tout. En effet, les femmes peu­vent hérit­er et admin­istr­er des domaines ; lorsque leurs preux cheva­liers d’époux s’en vont guer­roy­er, elles assurent pleine­ment la régence des biens et reçoivent même l’hommage des vas­saux. Lorsque Saint Louis part en croisade c’est sa mère Blanche de Castille qui assure la régence du Roy­aume de France. Il en sera de même par exem­ple pour Louise de Savoie lorsque François Ier sera trois ans durant, pris­on­nier de Charles Quint. Les femmes du tiers état ne sont pas en reste et dis­posent à leur niveau de prérog­a­tives sem­blables, même si pour elles, les choses sont bien plus dures comme nous le ver­rons un peu plus loin.

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La vie aristocratique des femmes à la Renaissance

Nous avons vu qu’au Moyen Âge, les femmes qui n’étaient pas issues des mêmes milieux soci­aux, ne béné­fi­ci­aient pas des mêmes con­di­tions de vie, et bien sûr, il en est de même à la Renais­sance. Car si pour l’élite aris­to­cra­tique et intel­lectuelle grav­i­tant autour de Mar­guerite de Navarre, de Mar­guerite de Savoie, de Cather­ine de Médi­cis ou de Mar­guerite de Val­ois, c’est une époque glo­rieuse, la sit­u­a­tion de femmes du com­mun, au con­traire, se dégrade, puisqu’elles sont pro­gres­sive­ment exclues des pro­fes­sions à statut légal, frap­pées d’in­ca­pac­ité juridique et économique­ment dépréciées.

Cer­taines études con­sacrées aux femmes qui n’écrivent pas, aux femmes de marchands, de petits arti­sans, aux paysannes, aux femmes soignantes nous révè­lent leur dure con­di­tion de vie : pour les filles pau­vres, les con­trats d’apprentissage à durée vari­able, com­men­cent à par­tir de sept ou huit ans. Le nom­bre de métiers mécaniques réservés aux femmes est plus restreint au XVIè siè­cle qu’au Moyen Âge, à cause du développe­ment des juran­des.

Quelles métiers pouvaient-elles exercer ?

Sub­sis­tent tout de même quelques métiers de l’alimentation, pois­son­nière naturelle­ment, par­fois bouchère ten­ant un étal sur un marché et quelques métiers du tex­tile, ouvrière à domi­cile ou frip­ière. La nais­sance des man­u­fac­tures à la fin du XVIè siè­cle enferme les ouvrières dans une promis­cuité sans lib­erté. Reste la voca­tion soignante de la femme encour­agée par la reli­gion ; à l’Hôtel Dieu de Paris, le soin des malades est réservé à la con­gré­ga­tion des hos­pi­tal­ières, recrutées dans les milieux pau­vres car il exige un tra­vail très pénible (épouil­lage et lavage). Mais les archives font appa­raître au cours du XVIè siè­cle, des accu­sa­tions de mœurs scan­daleuses et des mou­ve­ments de révolte lorsqu’on veut leur impos­er une obser­va­tion plus stricte de leurs devoirs religieux ; d’où la ten­ta­tive d’institutions de dames laïques pieuses chargées de con­trôler les soins don­nés aux malades, qui se heurteront à l’hostilité des « hos­pi­tal­ières » et devront renon­cer à leur mis­sion. Les sages-femmes con­stituent une caté­gorie fémi­nine rel­a­tive­ment indépen­dante mais sou­vent accusée de favoris­er les avorte­ments et de vouloir se sub­stituer au chirurgien ou au médecin dans les cas graves. L’une d’elles, Louise Bourci­er, excep­tion­nelle­ment instru­ite, devien­dra accoucheuse de Marie de Médi­cis et lais­sera plusieurs traités témoignant de son expéri­ence et défen­dant sa pro­fes­sion con­tre les calom­nies. À la cam­pagne, les traités d’agriculture, nom­breux à la fin du siè­cle, soulig­nent la dif­férence entre la femme du pro­prié­taire aisé, qui dirige avec com­pé­tence des activ­ités divers­es, et la fer­mière qui met la main à la pâte, cul­tive le potager, s’occupe de la volaille, trait les vach­es et con­fec­tionne beurre et fro­mage. Dans la ban­lieue d’une ville comme Paris des spé­cial­i­sa­tions très renta­bles peu­vent naître comme celles de grands poulaillers pour ven­dre des œufs sur les marchés de la cap­i­tale par exemple.

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Courtisane ou épouse laquelle était la femme libre ?

À la Renais­sance, la cour­tisane a plus d’indépendance que les épous­es. Plaisir et savoir, poésie et sexe, lux­u­re et musique car­ac­térisent la cour­tisane. Tul­lia d’Aragon, grande poétesse et philosophe, est la plus célèbre cour­tisane de la Renais­sance. Même si nous avons vu que les lib­ertés des femmes étaient réduites, force est de con­stater que la Renais­sance est la seule péri­ode de l’histoire où l’on observe une con­cen­tra­tion de femmes gou­ver­nant le roy­aume seules ou en col­lab­o­ra­tion avec des rois, avec ou sans titre de régente, comme ce fut le cas d’Isabeau de Bav­ière, d’Anne de France, d’Anne de Bre­tagne, de Louise de Savoie, de Cather­ine de Médi­cis ou de Marie de Médi­cis.

C’est, d’autre part, la péri­ode où naît une insti­tu­tion fon­da­men­tale de l’Ancien Régime : celle de la maîtresse royale, dont plusieurs ont eu un rôle poli­tique de pre­mier plan, voire ont fait office de Pre­mier min­istre durant des années : Agnès Sorel, Françoise de Châteaubri­ant, Anne de Pis­se­leu, Diane de Poitiers, Gabrielle d’Estrées. Non loin de ces femmes, on trou­ve une pléi­ade de gou­ver­nantes, reines ou non, comme Isabelle de Castille, Mar­guerite d’Autriche, Jeanne d’Albret, Cather­ine de Navarre, et de dirigeantes de grandes maisons comme les princess­es de Condé, les duchess­es de la famille de Lor­raine, les femmes des familles de Mont­pen­si­er, de Mont­moren­cy, de Rohan… Ces femmes ont eu un rôle non seule­ment poli­tique mais égale­ment cul­turel ou religieux, artis­tique et lit­téraire. Cepen­dant, lorsque le « mir­a­cle capé­tien » prend fin avec la mort sans descen­dance mâle des fils de Philippe IV le Bel, et la pré­ten­tion d’Édouard III d’Angleterre au trône de France, la Loi Salique est exhumée et les juristes lui fond fal­lac­i­euse­ment exclure les femmes de la couronne. Toute­fois, cela per­met aux femmes d’accéder presque sys­té­ma­tique­ment à la régence du Roy­aume puisqu’elles ne pou­vaient pas y prétendre.

Le nouveau contrat de mariage

Issue de la pen­sée human­iste, ce que l’on a appelé la Querelle des femmes ani­me les milieux intel­lectuels durant les trente pre­mières années du XVIe siè­cle. Déclenchée par un juriste qui pro­po­sait une nou­velle forme de con­trat de mariage, la Querelle des femmes va con­duire à une réflex­ion sur la femme elle-même, son statut, son édu­ca­tion. Mais si l’initiateur de la Querelle, André Tiraque­au, affirme la néces­sité d’une réciproque affec­tion dans le mariage, il affirme claire­ment la supéri­or­ité de l’homme sur la femme, accor­dant « un rôle de pro­tecteur au mari puisqu’il est supérieur à la femme ». Dif­fi­cile de ne pas super­pos­er à la vision de Tiraque­au celle du pater­fa­mil­ias antique. La polémique, ani­mée par d’autres penseurs human­istes glis­sera d’ailleurs bien vite du mariage aux ver­tus féminines, puis aux défauts féminins bien sûr et à la néces­saire édu­ca­tion des femmes (qui exis­tait pour­tant déjà comme l’ont prou­vé nom­bre de femmes dont nous avons par­lé dans nos arti­cles précédents).

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N’oublions pas que la Renais­sance est aus­si mar­quée par le schisme entre Protes­tants et Catholiques. Instal­lé par Luther, il brise l’unité de l’Église romaine, divise l’Europe, et engen­dre en France, après 1760, des guer­res civiles féro­ces. Et cette frac­ture va provo­quer un cer­tain change­ment dans la sit­u­a­tion des femmes, car si l’Évangélisme et le Protes­tantisme favorisent l’apprentissage de la lec­ture néces­saire à la con­nais­sance de la Bible, l’idéal de l’épouse chré­ti­enne demeure la soumis­sion au mari et l’éducation morale et religieuse des enfants. De son côté le catholi­cisme, pour répon­dre à la pro­pa­gande protes­tante met­tra en avant les poésies d’une religieuse Anne-Marie des Mar­quets. Mais, avant même le divorce religieux, le développe­ment du culte mar­i­al, dès le XIII siè­cle, redonne à la femme sa dig­nité de mère et s’appuie sur sa sen­si­bil­ité pour dévelop­per, même chez les laïques, le goût de la spiritualité.

Para­doxale­ment, si la pen­sée human­iste dessert la gent fémi­nine, cer­taines femmes vont jouer le rôle de con­duc­teur, de prop­a­ga­teur de cette pen­sée dans les milieux intel­lectuels. En effet, alors que poli­tique­ment les femmes n’ont plus désor­mais qu’un rôle soi-dis­ant mineur nom­bre d’entre elles vont se dis­tinguer au niveau philosophique ou artis­tique. Ain­si en est-il de Mar­guerite de Navarre, sœur de François Ier dont nous étudierons le por­trait lors du prochain article.

Notre sélection de livres historiques

Si vous avez aimé cet arti­cle sur la place de la femme à la Renais­sance, peut-être trépignez-vous d’im­pa­tience à l’idée d’ap­pren­dre encore de nou­velles choses ? C’est le cas ? Voici notre sélec­tion de livres pour amélior­er votre cul­ture générale.

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[…] La place des femmes à la Renais­sance, Arti­cle écrit par Maria Bar­bero, La Com­pag­nie Lit­téraire, pub­lié le 17 octo­bre 2016 […]

David Asenkat
David Asenkat
1 année il y a

Bon­jour, Vous evo­quez des etudes sur l’ex­clu­sion de plsu en plus forte des femmes de cer­taines pro­fes­sions au tourant du XV-XVI, auriez vous des références ? Et mer­ci pour votre arti­cle que je ne décou­vre que maintenant

Narine lepen
Narine lepen
3 années il y a

La représen­ta­tion des femmes a tra­vers le monde ce seraient bien de le faire

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