Dernière modification le 5 novembre 2022 par La Compagnie Littéraire

La Compagnie Littéraire : Alain Aimmeur, bonjour. Vous avez publié récemment à La Compagnie Littéraire un roman à caractère autobiographique intitulé : L’olivier de grand-père. Dans une page où vous vous adressez d’abord « Au lecteur », vous précisez qu’il s’agit quand même partiellement d’une fiction. Quelle est la part de réel et la part d’imaginaire dans cette histoire ? 

Alain Aimmeur : À cette époque, le jeudi, il n’y avait pas école et le terrain de camping actuel était un terrain vague herbeux. Quand le berger venait avec ses moutons, j’entendais le clocheton du bélier. De ce fait, je traversais la route le matin de bonne heure et j’allais m’asseoir à côté du berger adossé à l’olivier, et j’écoutais les histoires de ce pâtre, accompagné de ses deux chiens. Ce souvenir restera dans ma mémoire éternellement !

La Compagnie Littéraire : Dans votre préface, vous évoquez votre grand-père, ancien berger, avec ses deux chiens. Qu’il parcoure les garrigues à pied pour faire paître ses quelques 500 moutons ou qu’il soit installé à fumer sa pipe devant la cheminée, le petit garçon que vous êtes alors est fasciné par ce grand-père à qui il porte un amour sans faille. Il n’est pas expansif, mais il raconte des souvenirs dont on ne sait trop s’ils sont vrais ou si ce sont « des contes ». Là encore, est-ce votre propre grand-père qui vous a inspiré cette évocation ?

Alain Aimmeur : Non, je me suis inventé ce grand-père à travers le berger et à travers sa stature, et sa barbe blanche. Pour moi, c’était le parfait grand-père que je n’ai jamais connu mais ses contes étaient réels (du moins, enfant, je l’ai toujours cru).

La Compagnie Littéraire : Quoi qu’il en soit, dès ces premières pages où le récit n’a pas encore vraiment commencé, le lecteur est déjà transporté dans l’histoire avec un narrateur-auteur-personnage (qui se nomme Alain) et dont on partage les sentiments et les émotions. Ainsi vous écrivez : Je l’aimais profondément, comme un enfant peut aimer son grand-père. Quand il disparut, les moutons furent vendus, la bergerie fermée et nous sommes allés à la ville (faisant référence à votre mère et vous-même). Quelques années plus tard, je remontai à la bergerie… Je retrouvais toutes les odeurs et les bruits de mon enfance, mais pas la main de mon grand-père sur mes cheveux. Alors, sur mes joues coulèrent de grandes larmes… Et c’est ainsi que, les souvenirs aidant, la tradition a fait que, comme grand-père, je devins berger. Une certaine magie est à l’œuvre, mêlant poésie, sincérité et accents du terroir. Pour moi je n’ai pas douté un seul instant qu’il s’agissait de vous. Pouvez-vous nous éclairer un peu à ce sujet ? Je ne sais pas si vous avez été berger, mais l’histoire est convaincante.

Alain Aimmeur : Non, je n’ai pas été berger, mais le fait de voir ce berger tous les jeudis m’a inspiré pour ce roman. Un jeudi, le berger vint comme d’habitude, et quand les chiens eurent fait leur travail, en revenant chez moi, j’ai entendu un bêlement d’agneau venant de naître. Je l’ai pris dans mes bras et je l’ai emmené à la maison. Notre voisin du rez-de-chaussée me fit la morale disant qu’il fallait le rendre au berger. À contrecœur il me prit l’agneau, le mit dans un cageot à orange, sur sa pétrolette et s’en alla voir le berger. Une fois arrivé, mon voisin lui expliqua sa démarche et le berger lui répondit : « Si c’est le petit Alain qui l’a trouvé, donnez-lui l’agneau de ma part. », ce qui fut fait à mon plus grand bonheur. L’agneau eut une vie dorée avec moi, qui de temps en temps, me faisais disputer parce qu’il mangeait les légumes du jardin. Bien plus tard, l’agneau devenu mouton avait cessé de vivre. Je l’ai enterré sous le noyer, en plantant des iris tout autour.

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La Compagnie Littéraire : Et puis, nous entrons vraiment dans le récit. Alain est berger, il vit seul à l’écart du monde, heureux avec ses moutons et ses chiens. Le décès de sa mère, dont la santé déclinait depuis la mort du grand-père, l’affecte beaucoup mais la vie continue… en communion avec la nature. Un été, puis un hiver puis un printemps. Vous dites alors : Je sentais toute ma Provence couler dans mes veines. Cela me faisait chaud au cœur. Précisément votre lien à votre région semble total et passionnel et vous en parlez avec talent tout au long de ce roman. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ? (Là c’est à l’auteur et à l’homme que je m’adresse, pas au narrateur ni au personnage).

Alain Aimmeur : Oui, à la mort de ma mère, j’avais 7 ans. Ce fut un immense chagrin, alors pour ne pas pleurer devant ma famille, j’allais dans le vallon et je respirais toutes ces senteurs provençales, j’écoutais le chant du ruisseau, la conversation des oiseaux, venant boire au petit ruisseau. Tout cela me faisait sentir toutes ces odeurs, et petit, je pensais que les odeurs senties rentraient dans le corps et dans les veines.

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La couverture du livre “L’olivier de grand-père”

La Compagnie Littéraire : Pour en revenir à la trame narrative et à vos personnages, nous sommes devant une belle histoire : le héros – Alain – rencontre fortuitement une jeune fille –Yolande – dont il va tomber amoureux. Il ne sait que faire mais le destin va s’en mêler ; il découvre dans sa grange, en faisant des travaux, une cassette que lui a laissée son grand-père. C’est un héritage important et il va être riche. Quelques péripéties vont le faire accuser injustement de vol, puis il sera libéré et utilisera cet argent au mieux pour aider son village et ceux qu’il aime. Les deux jeunes gens vont se marier. J’ai un peu toujours la même interrogation : à quel moment l’auteur que vous êtes est-il intervenu pour « inventer » le destin de ces personnages ? Y a‑t-il des éléments du réel que vous avez utilisés ?

Alain Aimmeur : Oui, Yolande a existé. C’était mon premier amour d’enfance (j’avais 8 ans !) et un premier amour, aussi enfantin soit-il, reste inscrit dans la mémoire. Yolande venait avec ses parents voir des amis à deux cents mètres de notre maison. Alors j’ai brodé cet amour juvénile autour de Yolande. Ce fut des moments plein d’émotions, des moments où je me cachais dans les genêts, pour simplement la voir, en restant discret à cause de ses parents : le père était gendarme.

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La Compagnie Littéraire : J’aimerais évoquer avec vous tous ces personnages que vous faites apparaître et qui, tous, « chantent la Provence ». Mis à part les deux personnages principaux de Yolande et Alain, il y a Séverin le meunier, Baptiste le facteur, Toinet le patron du café, Ferdinand le « coiffeur de moutons » venu pour la tonte, le chef des gendarmes Izingui qui est aussi le père de Yolande, le juge, le journaliste du Provençal, ils sont plus vrais que nature. Avez-vous rencontré leurs modèles ?  

Alain Aimmeur : Oui, un meunier, un facteur, un grognon de patron de café, le tondeur de moutons et évidemment, le chef des gendarmes !

La Compagnie Littéraire : La romance qui nous est contée ici est touchante de spontanéité et il y a beaucoup de pudeur dans l’évocation des premiers émois amoureux. Vous faites ainsi parler Alain : Nous étions assis là comme des enfants découvrant quelque chose de nouveau. Le coup de foudre, la peur, l’angoisse de ce jeune homme qui n’a pas l’expérience du monde et des jeunes filles, la délicatesse de la jeune Yolande qui partage les tristesses de son amoureux face aux deuils, on envie cette sincérité et c’est une histoire qui fait du bien. Pourtant, à un moment, on a peur que tout cela se termine mal car la jeune fille est malade et apparemment assez gravement ; pourquoi avoir choisi cette option ?

Alain Aimmeur : Tout simplement parce que j’ai vécu ce moment (la maman de ma filleule est décédée à cause d’un cancer du cerveau et j’ai voulu que tous les personnages du village soient réceptifs à ce malheur et au bonheur ressenti lors du retour de Yolande.

La Compagnie Littéraire : Le roman apparaît comme un hymne à la vie et au bonheur, pourtant à aucun moment il n’occulte la présence de la mort, comme si elle faisait partie intégrante de nos existences. Il y a d’abord la mort du grand-père, puis celle de la mère d’Alain, puis le meunier Séverin qui disparaît, puis Berthe. Parmi les lieux que vous utilisez pour raconter votre histoire, le cimetière apparaît d’ailleurs régulièrement. À la fin, après le mariage, les jeunes mariés s’y rendent et Alain nous raconte : En allant au cimetière, nous cueillîmes des fleurs sauvages… Sur la tombe de maman, nous lui parlâmes… puis nous mîmes quelques fleurs dans le vase. Sur la tombe de Séverin, un pot de fleurs était cassé, nous avons étalé les fleurs sur la tombe et nous lui avons parlé. Cette façon de « prendre le temps » de parler aux disparus, cela veut-il nous rappeler qu’il ne faut pas craindre la mort si on veut aimer la vie ? Comme si elle ne signait en fait que « la fin de nos missions terrestres » ? Serait-ce une sagesse ?

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Alain Aimmeur : Oui, tout à fait, j’ai conscience de la vie, de la mort et souvent je dis aux gens : « si vous avez un moment pour vous faire plaisir, saisissez-le et ne dites pas “on verra plus tard”, car ce sera déjà trop tard ».

La Compagnie Littéraire : Pour finir, parlons de cet olivier de grand-père. Vous en parlez ainsi : J’arrivai sous l’olivier de grand-père, je l’avais baptisé ainsi car pour moi il lui appartenait, il était venu se reposer contre lui durant tant d’années… Moi, je faisais comme grand-père, je m’appuyais contre le tronc de l’olivier. Une belle déclaration d’amour. C’est l’idée de la transmission, d’une continuité, d’un amour pour votre pays que vous désirez partager ‑ce que vous faites ici avec votre livre- un peu tout à la fois ? Dites-nous quelques mots sur cet olivier.

Alain Aimmeur : Je l’ai toujours vu à cet endroit, et en allant passer quelques jours, j’y suis allé, et je ne vous cache pas, malgré mon âge, que j’eus des larmes sur mes joues. L’olivier est l’arbre de vie qui a tant de souvenirs à raconter.

Commander L’olivier de grand-père

Nous remercions Alain Aimmeur d’avoir répondu à cette interview signée Monique Rault. Le roman « L’olivier de grand-père » est disponible sur Fnac.com, Amazon, Decitre, les librairies du réseau Place des librairies et Dilicom et plus généralement en commande dans toutes les librairies de France et de Navarre.

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