Avec son caractère très immersif indépendamment du fait que sa narration soit réelle ou fictive, le roman épistolaire, parfois appelé “roman par lettres” fait partie d’un genre littéraire très apprécié au courant du XVIIIe siècle avec des écrivains de renoms. N’importe qui aujourd’hui, a forcément entendu parler des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, des Lettres persanes de Montesquieu, de Julie ou la Nouvelle Héloïse de Rousseau ou encore de l’épistolière Madame de Sévigné.
L’échange épistolaire, sous forme de correspondances entre un expéditeur et un destinataire, de mémoires ou encore d’un simple journal intime permet au lecteur de s’immerger pleinement dans la vie des protagonistes. C’est cette raison pour laquelle, de grands noms de littérature française se sont illustrés dans le roman épistolaire propre à l’échange de lettres et aux recueils.
Davantage lyrique que la simple biographie, l’intrigue du récit épistolaire peut autant s’inspirer des aspects d’un polar, que de l’œuvre romanesque propre au jeune amant qui entretient une correspondance écrite avec l’objet de son désir. Faisant partie intégrante de l’histoire de la littérature, le roman épistolaire présente ces échanges interdits sous la forme de livres à lire, non sans romance, appréciée pour son ton très réaliste.
Le roman épistolaire : un genre littéraire qui ne lasse pas
Faisant parfois office de roman historique, lire la correspondance d’un narrateur offre une vision très réaliste du contexte social ou historique dans lequel est inscrit ce dernier. C’est pour cette raison que le genre épistolaire figure parmi les genres littéraires les plus immersifs.
Si l’écriture épistolaire connaissait hier un grand succès, aujourd’hui encore de nombreux lecteurs restent attachés au charme des correspondances écrites, d’une carte postale, d’un poème, ou d’une belle lettre d’amour, et ce nonobstant internet et nos réseaux sociaux actuels. Le courrier a cette dimension poétique que le numérique ne peut offrir ! Si tel est votre cas, alors, chers lecteurs, ces lignes sont pour vous. Aujourd’hui dans l’ivresque récréation, découvrez notre TOP 5 des meilleurs romans épistolaires concocté par la librairie en ligne de notre maison d’édition. Une bonne occasion, de découvrir ou redécouvrir quelques-uns des auteurs phares de ce style littéraire faisant le bonheur des amateurs de belles-lettres et de la culture littéraire.
1) Les souffrances du jeune Werther, Johann Wolfgang von Goethe, 1774
Les Souffrances du jeune Werther Goethe est un texte emblématique du mouvement précurseur du romantisme “Sturm und Drang” (tempête et élan), a bouleversé des générations de lecteurs.
Chef-d’œuvre du genre épistolaire, il est à la fois imaginaire, et inspiré de l’expérience de Goethe lui-même, qui exorcisera son désespoir en rédigeant Les souffrances du jeune Werther.
Homme sensible et passionné, le jeune Werther tombe éperdument amoureux de Charlotte, déjà promise à un autre. Il est alors en proie à un terrible dilemme.
Amour impossible, passion vertigineuse, tourments intérieurs, souffrance extrême, ne pourront qu’éloigner le jeune Werther de sa quête d’absolu : il finira par se donner la mort.
2) Lettre d’une inconnue, Stephan Zweig, 1922
À son retour d’une excursion de trois jours dans la montagne, un jeune écrivain reçoit la lettre d’une inconnue.
Il découvre alors, qu’à son insu, une femme l’a aimé passionnément, qu’elle lui a consacré toute sa vie en cachette, qu’elle a eu un enfant de lui, que ce dernier est mort…
Il n’apprendra le drame de cette femme qu’à réception de sa missive…
Par la voix de cet échange de lettres avec cette femme, Stephan Zweig analyse avec une extrême finesse les ravages des sentiments amoureux, et la force du lien passionnel que le temps ne peut jamais effacer, et que seul l’espoir peut soutenir, au prix d’une souffrance lancinante et infinie.
Un chef-d’oeuvre parmi les romans épistolaires !
3) Lettre au père, Franz Kafka, 1952
Franz Kafka s’adresse directement à son père dans cette lettre écrite en 1919, qu’il ne lui remettra jamais. Il la publiera en 1952.
Il y décrit combien il fut, toute sa vie durant, effrayé, tétanisé par l’autorité paternelle dominante, ce qui l’empêchait de manifester en retour toute expression d’amour filial.
Kafka est tout à fait poignant dans la façon dont il décrit sa souffrance, devant ce père écrasant, aux colères mémorables, et aux mots sans cesse insultants.
Il nous décrit l’enfant craintif qu’il était, toujours en demande d’amour, qu’il ne recevait lui-même jamais.
“Ce sentiment de nullité qui s’empare souvent de moi a stoppé ma route, éternellement. Je ne serais jamais bon à rien”.
Honte d’être un mauvais fils, d’être aussi fragile, culpabilité mortifère face à la toute-puissance de la figure paternelle, perte de l’usage de la parole par excès de peur… Kafka, en nous dévoilant sa soumission extrême, et son obéissance à toute chose, attire incontestablement la compassion du lecteur devant tant de paroles et de comportements paternels destructeurs.
Si toute sa vie a été marquée par la dureté de ses relations à son père, Kafka achève sa lettre par un message d’espoir : que celle-ci leur “rende à tous deux la vie et la mort plus faciles”.
L’un des grands classiques de la littérature.
4) Lettres à un jeune poète, Rainer Maria Rilke, 1929
De 1903 à 1908, un jeune poète, Franz Xaver Kappus, envoie à Rainer Maria Rilke ses premiers essais poétiques, accompagnés de lettres, dans lesquelles il exprime toute la solitude ressentie, et le doute qui s’empare de lui : doit-il poursuivre une carrière militaire ou se risquer à la poésie ?
L’écoute qu’il reçoit de ce grand maître en la matière ne pouvait être plus intense et remarquable.
En tant que confident, l’illustre Rilke répondra à cet homme, qu’il ne rencontrera jamais, sur les grands thèmes de l’existence que sont la mort, l’amour, Dieu, la solitude… avec magistralité et humilité.
“Rentrez en vous-même. Cherchez la raison qui, au fond, vous commande d’écrire. […] Creusez en vous-même jusqu’à trouver la raison la plus profonde. […] Et si de ce retournement vers l’intérieur, de cette plongée vers votre propre monde, des vers viennent à surgir, vous ne penserez pas à demander à quiconque si ce sont de bons vers”.
Le recueil de ces dix lettres comptant parmi les œuvres de la littérature, sera publié quelques années plus tard par le jeune écrivain : un véritable hommage posthume au grand poète Rainer Maria Rilke.
Ce merveilleux livre connaîtra un succès jamais démenti.
5) Alexis ou le traité du vain combat, Marguerite Yourcenar, 1929
“Écrire est un choix perpétuel entre mille expressions, dont aucune ne me satisfait”.
C’est sur ce défi qu’Alexis Géra écrit à sa femme Monique.
Il lui demande pardon “d’être resté si longtemps”… Il n’ose prononcer les mots, les vrais ; il les murmure, enjoint sa femme comme le lecteur de deviner à demi-mot l’indicible, l’inavouable… jusqu’à l’ultime confession de son homosexualité.
Par cette forme d’autobiographie, Marguerite Yourcenar dévoile dans son roman épistolaire combien les penchants interdits sont vécus si douloureusement, et finissent par enfermer dans une forme de solitude pesante.
Son texte, d’une remarquable concision, évoque l’essentiel, face à ce sujet encore tabou à l’époque : si le déni fait souffrir, le courage doit être grand pour passer à l’aveu.
“Le monde des réalités sensuelles est barré de prohibitions dont les plus dangereuses sont peut-être celles du langage”. Marguerite Yourcenar
Voilà qui vient conclure notre TOP 5 des romans épistolaires. Si pour vous aussi les échanges épistolaires occupent une place importante dans votre bibliothèque et compte parmi vos formes littéraires favorites, partagez-nous vous aussi les auteurs de la littérature épistolaire que vous préférez dans la session commentaire !
Pour aller plus loin sur le roman épistolaire
Comment reconnaître un genre épistolaire ?
Le roman épistolaire répond à des codes assez spécifiques. D’une part le texte doit être constitué de lettres échangées entre deux ou plusieurs personnes et d’autres part le roman épistolaire prend souvent ses racines dans un contexte historique et culturel : le genre épistolaire est souvent associé à une période spécifique, comme la correspondance amoureuse du XVIIIe siècle ou les lettres de guerre du XXe siècle.
Quel est l’intérêt du roman épistolaire ?
Le roman épistolaire présente un intérêt particulier puisqu’il permet de raconter une histoire à travers un format original et intimiste qui donne l’impression d’un accès direct aux pensées, aux émotions et à l’intimité des personnages, tout en offrant une perspective multiple sur l’histoire.
Les lettres dans un roman épistolaire permettent également d’explorer les relations entre les protagonistes, de révéler leurs personnalités et d’approfondir leur développement au fur et à mesure des différents échanges. Les lettres peuvent également servir à créer un suspense, en révélant des éléments de l’intrigue de manière progressive, tout en maintenant une tension dramatique constante à travers un échange épistolaire souvent édulcoré !