Dernière modification le 5 novembre 2022 par La Compagnie Littéraire

Éditions la Compagnie Littéraire : Yann Gontard, bonjour. Vous avez publié récemment dans notre maison d’édition le quatrième opus de votre roman : Journal d’un aventurier des temps modernes. Il s’agit du Livre IV, Au cœur de l’Amérique centrale. Cet ouvrage poursuit le récit de votre voyage d’un an autour du monde de 1989 à 1990. Alors nous y voilà ! Un soir, en bus, tardivement, à la frontière américano-mexicaine, au tout début du mois d’avril 1990 : Tijuana, poste frontière. Là, que se passe-t-il pour vous ? Quelles pensées vous assaillent et comment va se passer votre première soirée sur le sol mexicain ?

Yann Gontard : Je quitte l’Orient pour aborder une certaine facette de l’Occident, deux mondes diamétralement opposés. Je ne suis pas entièrement perdu, car j’étais déjà allé à Tijuana quelques années auparavant et je parle correctement espagnol. Cependant j’arrive épuisé en pleine nuit, après de longues heures de voyage et un décalage horaire conséquent. Or la douane, à cette heure tardive, me procure déjà une toute première frayeur…

Je sais que le Mexique n’est pas un monde de bisounours, que la violence y est présente et que tous mes sens vont devoir constamment rester en éveil afin d’éviter d’éventuelles déconvenues. L’adulte que je deviens petit à petit point à l’horizon, la naïveté faiblit, la curiosité demeure…

Éditions la Compagnie Littéraire : Vous dites que vous effleurez le continent nord-américain, évitant le Canada ou les États-Unis pour raison financière. Est-ce la seule raison ? Le choix a‑t-il été un peu difficile ou pas du tout ?

Yann Gontard : J’ai eu la chance d’étudier six mois à San Francisco, Californie, de travailler deux mois à Nashville, Tennessee et de vivre un mois dans une famille américaine à Albuquerque, New Mexico. Je connaissais donc assez bien une partie de cet immense pays, la mentalité américaine, ses vastes espaces, ses folies des grandeurs, ses villes démesurées… et mon budget ne me le permettait absolument pas.

En réalité, ce voyage initiatique ne pouvait se faire dans un monde qui m’était familier et encore moins dans un espace confortable, car je n’avais d’autre choix que d’abandonner tous mes métaux pour me remettre en perspective et trouver mon propre chemin en toute conscience et humilité.

Éditions la Compagnie Littéraire : C’est donc vers l’Amérique hispanique, dont vous dites qu’elle était déjà « suffisamment immense », que vous dirigez vos pas. Et vous allez commencer par le Mexique. Vous avez sillonné l’Asie du Sud-Est juste auparavant, je suppose que le contraste est saisissant, voire plus encore. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Yann Gontard : Comme évoqué, il s’agit de deux mondes que tout oppose (climat, histoire, géographie, politique, religion, rites et coutumes, etc.). Le contraste est effectivement ahurissant. Sauf qu’à ce moment, je suis mieux préparé et, d’une certaine façon, mieux outillé. J’ai même le sentiment d’une certaine urgence à découvrir les civilisations indiennes et espagnoles qui ont façonné ce Nouveau Monde.

Cette curiosité est d’autant plus vive et aiguisée que cette fameuse Amérique centrale reste, à part le Mexique, une espèce de grosse pâte informe dont tout un chacun appréhende mal les pays les uns vis-à-vis des autres. Saurions-nous ainsi capables de les figurer sur une carte ? Rien n’est moins sûr. D’où ma démarche singulière : rechercher ce qui distingue ces différentes petites républiques. La vérité, c’est qu’aucun de ces pays ne se ressemble, qu’ils ont tous une histoire singulière permettant de les différencier aisément. C’est donc là la source d’un enrichissement formidable que je souhaitais partager !

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Éditions la Compagnie Littéraire : Vous évoquez de façon récurrente la présence de l’Église catholique – nombreuses églises, nombreux fidèles, nombreuses adaptations locales – et la façon dont les missionnaires s’y sont pris pour convertir la population locale en grand nombre. Je pense par exemple à l’intégration de leurs anciennes croyances « païennes » dans le culte de Jésus Christ. Pouvez-vous nous faire part de ce que vous avez constaté, y a‑t-il des choses qui vous ont interpellé plus que d’autres ?

Yann Gontard : La religion catholique du Proche et Moyen Orient est abordée de manière relativement pure, avec un retour aux sources de la parole biblique. Elle m’a mené à d’intenses réflexions et à mieux la comprendre, à m’en nourrir et à la vivre en l’intégrant à ma propre personnalité, car je la considère comme d’une modernité inouïe.

En Amérique centrale, je ressens la présence de l’Église comme issue d’une volonté prosélyte plutôt que comme un moyen de nourrir la foi. On « fabrique » des fidèles, mais probablement peu de croyants. On utilise les peurs et les traditions locales afin de les intégrer plus facilement à l’église. On a l’impression, en quelque sorte, d’une foi du charbonnier. Toujours l’efficace méthode, pourtant longtemps décriée, des Jésuites…

Éditions la Compagnie Littéraire : L’Amérique centrale, ce n’est pas que le Mexique et vous avez traversé un continuum de petits pays avec leurs particularismes. Quels sont les souvenirs les plus marquants pour vous ? Avez-vous quelques anecdotes que vous souhaitez nous faire partager ?

Yann Gontard : Si je devais seulement retenir deux petits pays qui m’ont le plus marqué, ce serait sans nul doute le Guatemala et le Nicaragua.

Le Guatemala parce que, d’une part, j’y ai trouvé le calme et le ressourcement à Antigua, ville magnifique au milieu d’anciens volcans et, d’autre part, mes conquêtes féminines m’ont permis d’acquérir une confiance inébranlable pour le reste de ma vie.

Le Nicaragua, car il s’agissait d’un pays dévasté par les catastrophes naturelles et par la guerre civile entre sandinistes et contras, donc indirectement entre l’URSS et les USA. Une guerre qui dépassait les habitants et qui leur a fait beaucoup de mal. Pourtant ils restaient fiers de leur pays et, malgré tout, accueillants face à une situation quasi désespérée.

Éditions la Compagnie Littéraire : Yann Gontard, la présence des femmes est toujours « un must » dans vos récits de voyages. Vous évoquez des habitudes différentes, le côté machiste des Mexicains par exemple, le rêve suscité par le jeune étranger voyageur sur les jeunes beautés locales, une sorte de course éperdue vers des échanges d’amour. Quels commentaires cela vous inspire-t-il ?

Yann Gontard : Cela m’inspire qu’un jeune homme, seul au bout du monde, n’en est pas moins homme, homme en devenir, nourri de testostérones et à l’appétit insatiable. En revanche, il garde un respect sincère vis-à-vis des femmes qu’il a rencontrées. Il ne recherche ni le nombre ni la beauté physique. Il recherche des coups de cœur, des moments d’intimité, d’échange et de joie que seule une femme peut partager avec lui. Lorsqu’elle se donne à lui, il s’agit pour lui d’un cadeau merveilleux dont il prend toute la mesure.

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C’est pour cette raison probablement qu’il est mal à l’aise avec un certain machisme ambiant au Mexique, car celui-ci offre une image arrangée de la réalité qui ne peut nourrir à terme un couple et qui engendrera rapidement des déconvenues. Cette image déforme, écorne, abîme la relation homme-femme… et pourtant elle est totalement assumée localement par les deux sexes.

Éditions la Compagnie Littéraire : Ce désir de beauté, de plaisir et d’amour est aussi un désir de découverte et une soif de vivre, mais c’est une arme à double tranchant, contrebalancée par le départ du lendemain « en route vers de nouveaux horizons ». Comment vos pensées ont-elles évolué à ce sujet au cours de ce périple en Amérique centrale ?

Yann Gontard : Ce désir de beauté, de plaisir et d’amour est effectivement animé à la fois par un désir de découverte et une soif de vivre. L’ensemble se nourrit d’une farouche volonté d’aller de l’avant et de vivre à 200%. Pour être honnête, je n’ai pas vraiment envisagé de m’installer dans l’un ou l’autre de ces pays (encore que j’ai considéré San Miguel de Allende au Mexique comme un endroit qui m’a sincèrement enchanté).

J’avais un besoin intime — presque inexplicable, voire irréfragable — de tracer ma route, faisant fi des jours passés pour continuer à découvrir toujours en avant, avec passion, étonnement, stupeur, le chemin incertain que j’empruntais. Peut-être était-ce le résultat d’une certaine inconscience ou d’une intuition qui devait se révéler à un moment ou à un autre ? J’étais, en tout cas, dans l’insouciance la plus totale, sans volonté de vraiment construire. Il m’a fallu du temps et de la maturité pour comprendre qu’enfin tout avait un sens…

Éditions la Compagnie Littéraire : Une autre question : le « profil » du routard. Il semblerait que leurs conseils et leurs appréciations sur un endroit ne soient pas toujours judicieux, d’après votre expérience. Je fais allusion à votre étape à Palenque, mais je crois qu’il y en a d’autres dans ce livre. Un commentaire à ce sujet ?

En réalité, les routards n’ont pas tous les mêmes motivations. C’est respectable. Il faut juste savoir de quoi l’on parle, connaître le profil du voyageur et ce qui le fait vibrer. Pour certains, ce sera la passion d’un sport, pour d’autres, ce sera les balades en montagnes, les treks ou autres découvertes naturelles, pour d’autres également, ce sera un moment de pure contemplation, une manière de sentir le temps qui passe simplement, avec délice.

Pour les derniers — comme moi -, il s’agit avant tout de la découverte d’hommes et de femmes qui habitent et construisent notre monde et qui n’auront pas beaucoup l’opportunité d’échanger avec nos congénères situés à l’autre bout de la terre. C’est donc une aventure pleinement humaine pour l’homme et par l’homme.

Éditions la Compagnie Littéraire : En nous acheminant vers la fin de ce livre IV, on vous retrouve quittant le Nicaragua, pauvre pays encore plus appauvri malgré des terres fertiles. Vous évoquez une géopolitique responsable de ces maux et vous vous dites déstabilisé, car tiraillé entre deux avis opposés et irréconciliables. Que fallait-il donc faire dans un monde où les riches et les pauvres se faisaient face sans réelle alternative ? Qu’en pensez-vous aujourd’hui ?

Yann Gontard : J’aime les hommes, mais je sais aussi que certains sont fous, qu’ils ont une soif insatiable de pouvoir et d’argent. À mon niveau, les opportunités de changer le monde qui m’étaient offertes étaient bien ténues. Et j’avoue également que je n’avais pas la suprême ambition de le changer. J’étais un peu trop pragmatique et pas assez benêt (ou rêveur ?). En revanche je cherchais à le comprendre avec sincérité, recherchant ce qui différencie et ce qui rapproche, pas ce qui sépare ou qui oppose.

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Mon ambition aurait été plutôt de favoriser la relation entre les hommes et les femmes qui vivent sur notre planète, de les faire échanger, de les faire parler et de mieux se connaître. Car ils ont tous des témoignages à apporter et nous pouvons tous apprendre les uns des autres en nous écoutant. Cela ne demande guère beaucoup d’efforts à partir du moment où on enlève les a priori et les barrières que l’on se met soi-même.

Éditions la Compagnie Littéraire : Dans les dernières pages, vous êtes arrivé à San José, au Costa Rica. Ce petit pays semble avoir quelques ressources et sa propreté fait tellement de bien après la traversée aléatoire du pauvre Nicaragua. San José sera votre base de départ pour l’Amérique du Sud, notamment Quito, en Équateur. On se rapproche évidemment un peu plus du retour en France, « à la maison », avec toutes les richesses accumulées dans la tête et le cœur, et les doutes qui vous accompagnent. Voulez-vous ajouter quelque chose ?

Yann Gontard : Je vis au jour le jour, avec un horizon qui se profile peu à peu. Je ne suis déjà plus l’homme que j’étais en partant. J’en suis à la fois conscient, mais garde un goût d’inachevé. J’ai encore besoin de découvrir le chemin que j’emprunte. Au Nicaragua, j’ai failli revenir en France attaqué durablement par des dérangements stomacaux. C’eût été une vraie déconvenue que j’aurai eu du mal à digérer… si je puis m’exprimer ainsi. L’homme, petit à petit, se modèle comme une statue dans la glaise, comme une pierre brute équarrie.

Le futur cinquième et dernier tome sera celui de l’accomplissement avec un dénouement qui tendra à démontrer que l’Amérique centrale restait une étape nécessaire à son plein épanouissement et que l’Amérique du Sud lui offrira un sens et l’aboutissement du chemin qu’il poursuit.

La gestation semble longue, mais qu’est-ce un an dans une vie ? Qu’est-ce un an lorsque les années de jeunesse ont autant conditionné son caractère, ses envies, ses désirs. Aujourd’hui encore, trente ans après, je me nourris tant, je me repais quotidiennement de ces aventures…

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