Aventures Arcanes : 3. Pérégrinations sur la Route de Pertevue — S. de Sheratan
Depuis sa forteresse de Romynark, la nécromancienne Shaogrin décide d’unir ses forces à l’Alliance de Soufre. Elle compte bien user des restes de l’armée de ses nouveaux alliés pour semer la mort sur son passage et transformer les cadavres en nouveaux soldats. En dépit de ses réserves, son fidèle serviteur Kalydès est prêt à déployer ses ailes funestes.
Loin d’ici, Éphriarc est en chute libre. Alors que l’épopée du jeune prince semble fatalement tendre à sa conclusion à mesure que les hautes herbes du Recksnalt se rapprochent dangereusement, la gigantesque fracture continentale qui coupe les Terres de l’Est en deux, connue sous le nom de Shynarkhil, semble dangereusement attirer l’attention des Démons à la solde des Seigneurs renégats.
Magiques, imprévisibles et poétiques, les Terres de l’Est font rêver à chaque page.
Prologue des Aventures Arcanes 3. Pérégrinations sur la Route de Pertevue
Mirfasal s’éveilla en sueur dans sa chambre qui dominait la cité céleste d’Hocknarhyl en ayant nettement l’impression d’avoir entendu quelqu’un crier son nom. Il s’assit et regarda par une des nombreuses portes-fenêtres qui donnaient sur l’extérieur. Il faisait toujours nuit. Les grondements de l’orage résonnaient sous la cité et faisaient vibrer les vitres, tandis que les éclairs illuminaient sporadiquement les tours de cristal et d’or qu’il pouvait voir depuis son lit.
Soudain, une boule lumineuse fit irruption dans la chambre par une des fenêtres en laissant un sillage de poudre dorée. Mirfasal reconnut la Fée qui semblait en proie à la panique et faisait des allées et venues fébriles dans tous les coins :
— Que se passe-t-il ? Qu’as-tu ?
— C’est terrible ! Éphriarc était en train de poursuivre un affreux Loup-Garou et je l’ai perdu…
— À quoi ressemblait-il ?
— Balaise, le pelage noir et les yeux rouges. L’autre grand nigaud a eu l’air de le reconnaître… Il l’a appelé « Pontalamer », je crois…
— Ce n’était pas plutôt « Pontalbert » ?
— Si ! Si ! C’est ça… !
— Où cela s’est-il passé ?
— Près de la Tour du Conseil d’Hocknarhyl ! Mais depuis quand tu peux m’entendre, toi ?!?
Mais Mirfasal avait déjà jailli de son lit. Il ne prit pas le temps de s’habiller et se transforma immédiatement en Loup-Garou. Il sauta dans le vide en se retournant et planta ses griffes dans la paroi de cristal de la tour. Il se laissa glisser ainsi tout le long et sauta à quelques mètres du sol. Il atterrit avec souplesse et s’élança vers la Tour du Conseil sans se soucier du mur qu’il venait de labourer.
Bientôt, il put flairer la piste de son amant ainsi que celle de Barnard Pontalbert. La trace d’Éphriarc semblait s’élever comme par enchantement, mais celle de l’officier de maréchaussée adhérait au mur et il repéra bientôt les empreintes laissées par ce dernier lorsqu’il avait escaladé la Tour du Conseil. Après s’être assuré que personne ne regardait dans sa direction, Mirfasal entreprit d’escalader la tour à l’instar de son congénère maudit. Chaque fois que ses griffes pénétraient dans la paroi, il y avait un bruit de cristal brisé. Il se retrouva en quelques minutes au dernier étage de la tour.
Cet étage avait un corridor circulaire percé d’ogives permettant le passage d’une créature ailée et sa partie centrale était isolée de l’extérieur par une paroi métallique. Mirfasal savait très bien que derrière elle il y avait toute la machinerie qui permettait de déclencher la « Fureur d’Hocknarhyl ». Il n’avait jamais eu le loisir de la contempler, mais il était certain d’une seule chose : ce système de défense relevait d’une technologie très ancienne que les Esprits Ailés étaient totalement incapables de maîtriser. Les odeurs d’Éphriarc et de Pontalbert se rencontraient devant une porte et toutes deux semblaient se fondre pour passer une des portes-fenêtres. Mirfasal renifla aussi loin qu’il put, mais la trace continuait dans le vide et il ne se tenait plus que par une main et un pied à un des montants. Il n’y avait aucune trace au pied de la tour qui indiquerait que les deux belligérants se soient écrasés. Il regarda vers l’extérieur de la ville, où la mer de cumulus noirs baignée par les clartés lunaires s’illuminait sporadiquement sous l’effet des éclairs.
Éphriarc avait bel et bien disparu.